It’s fine, it’s cool. En écrivant ces mots, j’appuie sur le bouton « play ». En fond, les paroles d’une chanson rebondissent contre les murs de ma salle à manger. Good Luck, Babe !, dernière chanson phare de Chappell Roan dont vous trouverez un portait dans ce numéro. Je vous invite à faire de même, à écouter cette chanson en lisant ce texte (si le multitasking ne vous fait pas peur), ainsi que de pardonner les quelques anglicismes de cet édito.
Les premières notes rétros vous ramènent peut-être déjà à un passé. Peut-être à un souvenir. Celui d’une virée en voiture, bercé·e par la chaleur d’un soir d’été. La voix surgit alors où se retrouvent les vibrations synchronisées de la nostalgie et de la liberté, peut-être l’image d’un horizon au soleil couchant, doux et teinté de possibilités… I’m cliché. Who cares… « Je suis cliché, mais qu’importe », comme Chappell dit. Les accords du temps qui passe, du bonheur du moment, et de la mélodie du refrain anticipé. L’entremêlement d’un passé, d’un présent et d’un futur. C’est aussi ça que l’histoire nous raconte, du moins à mes oreilles. Plus encore, elle nous laisse nous raconter.
L’été est fini. Avec lui s’en vont les échos de belles réussites estivales : celles de la Liège Pride et de notre participation à cette dernière, ou encore de notre Garden Party, pour ne citer qu’elles. Nous nous sommes vus rassemblé·e·s, flottant sur ces moments légers de fêtes et de convivialité nécessaire lorsque certains nuages obscurs continuent d’apparaître. Encore et encore. Des menaces qui continuent toujours de planer sur les personnes LGBTQIA+. Alors que nous continuerons de contrer ces ombres au quotidien, nous faisons le constat que ces moments de rencontres et de partages sont non seulement importants, mais en eux-mêmes militants – une autre manière encore de s’opposer à la haine, au mépris, à la discrimination et à la violence : la rencontre. Un mot en apparence simple, mais qui apporte son lot de complexité, parfois. Pourtant, comme l’a rappelé notre Vice-présidente à la Garden, ce mot est également rempli de potentialité.
La rencontre traverse ce numéro du MACazine, d’une certaine manière. Victor Lacôte, lauréat du Prix François Delor, revient sur son brillant mémoire prenant pour sujet principal les rencontres homoérotiques des saunas. Ces rencontres, celles qui humidifient presque vos doigts à la lecture, témoignent également de l’historicité de ces rencontres, de ces échanges, de ces libertés. A l’heure où, comme nous le savons, bon nombre d’établissements de ce type ferment leur porte, sans doute remplacés par les applications, le travail de Victor rend compte d’un passé embrumé à l’héritage mis de côté, mais aussi d’un présent encore stigmatisé, et malheureusement, d’un futur plus que menacé. It’s a sexually explicit kind of love affair, comme dit Chappell, mais ce sont des histoires qu’il importe aussi de raconter.
L’été a également été placé sous le signe des Jeux olympiques et paralympiques sur lesquels nous revenons, histoire de continuer à faire couler l’encre. On se rappelle des commentaires qui ont afflué au sujet du show d’ouverture, accentués par les réseaux sociaux, où la haine se confond avec la critique. Néanmoins, les Jeux ont aussi permis la rencontre entre les publics et leurs figures sportives préférées, aux profils et identités tout autant variées. Une inclusivité qu’il est bon de voir représentée dans un monde sportif qui reste encore, malgré les efforts, très rigide face aux minorités de genre et sexuelles. Du reste, les indignations et autres pleurnichements moralisateurs, d’où qu’ils soient venus, ne se font plus entendre, assourdis par les cris de victoire et de partage prodigués.
Enfin, c’est également notre artiste exposée et Les Tchinisses à Mélo qui nous portent vers la rencontre et l’up-cycling. La rencontre de matériaux que l’on pense peut-être inutilisables, improbables ou incompatibles, mais qui ensemble, forme une véritable symphonie artistique. Les vernissages de la Maison Arc-en-Ciel de Liège, d’une certaine manière, sont aussi des ensembles semblables. De fait, ils offrent des rencontres parfois inattendues, mais qui défient les présupposés et les dictats. Ensemble, nous formons de belles œuvres, et il serait dommage de les gâcher, de les jeter à la poubelle. Peut-être pouvons-nous, nous aussi, recycler nos amitiés.
La chanson touche à sa fin, le rythme ralentit. You’d have to stop the world just to stop the feeling. Mais ne vous inquiétez pas, la chanson durera toute l’année. De nouvelles personnes rejoignent l’équipe, d’autres ont rejoint l’Organe d’administration. De nouvelles rencontres sont en cours, des groupes de parole, et la continuation d’autres, avec les incroyables artistes d’Unique en son genre, les soirées karaokés, ou encore les balades réconfortantes de la MAC s’amuse, pour ne citer qu’elles. Nous avons nos bénévoles sans qui l’orchestre sonnerait faux. Nous vous invitons ainsi à nous rejoindre, à devenir bénévole et à apporter votre propre note pour que la musique soit plus belle encore. Métaphoriquement en tant que membre bénévole, ou littéralement peut-être, en rejoignant le projet de chorale de la MAC. En cette nouvelle rentrée, rencontrons-nous. Continuons de chanter et de danser.
Alors que Good Luck, Babe ! se termine en nous souhaitant bonne chance pour cette année, je me souviens de cette chanson de Chappell, Pink Pony Club, que j’écoutais en boucle il y a quelques années déjà. En ce temps déjà, les mots m’intriguaient et me réconfortaient : I heard that there’s a special place where boys and girls can all be queens every single day. Cet endroit spécial où on peut être qui on veut. Ce Pink Pony Club, ce catalyseur de possibilités. À mon sens, et dans toutes les nuances et la complexité que la chanson apporte avec elle, c’est aussi cela La Maison Arc-en-Ciel de Liège. And we’re gonna keep on dancing.
■ par Bastien Bomans, Président