Édito | Avril 2006 – Adoption internationale : résistances au Sénat

La procédure d’adoption de la loi ouvrant l’adoption aux personnes de même sexe se poursuit. Après le vote à la Chambre le 1er décembre 2005, le Sénat a usé de son droit d’évocation. Le délai initial de 60 jours pour l’examen au Sénat a été prolongé de 30 jours supplémentaires. Une nouvelle étape a été franchie le 7 mars. La Commission de la Justice a en effet adopté le texte de la Chambre par 9 voix contre 8, repoussant ainsi des amendements qui auraient affaibli le texte, voire l’auraient purement rejeté.

Reste au Sénat à se prononcer en assemblée plénière. Ce vote devrait intervenir le 20 avril. Il faut savoir que si le projet de loi adopté par la Chambre est voté tel quel par le Sénat, le texte est définitivement adopté et soumis à la sanction royale. Par contre, s’il est modifié d’une quel- conque manière, la Chambre doit voter à nouveau. Au minimum, cela entraînerait un nouveau retard, ce qui n’est pas sans risque à l’approche d’une période électorale.

Il apparaît clairement que certains mouvements politiques tentent de jouer cette course contre la montre pour empêcher le texte d’être voté sous cette législature et obliger de reprendre tout à zéro. Passons sur cette initiative assez ridicule de deux sénateurs MR (Jean-Marie Cheffert, particulièrement acharné contre le projet, et Jihane Annane) de soumettre le sujet à un référendum national, politiquement contraignant. La Commission de la Justice l’a rejetée.

Plus sérieuse est la volonté d’un ensemble de sénateurs de déposer un amendement en séance plénière qui exclu- rait du projet de loi l’accès à l’adoption internationale. Même si l’intention évidente est d’obliger la Chambre à réexaminer le texte et d’offrir une nouvelle opportunité d’évocation au Sénat pour bloquer l’adoption de la loi, les arguments méritent d’être examinés. On retiendra en gros que, selon eux, il ne faut pas laisser croire aux homosexuels qu’ ils pourront adopter des enfants d’origine étrangère car la plupart des pays “donateurs” s’y opposent. Mais aussi, cette disposition nuirait à la confiance des ces pays vis-à-vis de la Belgique et aurait des répercussions négatives sur les adoptions par les hétérosexuels.

Ces arguments sont dérisoires. D’une part nous savons bien qu’il ne faut effectivement pas se faire beaucoup d’illusions sur la possibilité pour des couples homosexuels d’adopter des enfants étrangers, du moins pour l’instant. La loi ne changera pas du jour au lendemain les garanties exigées par les pays d’origine des enfants. Mais il est important qu’au niveau belge notre législation soit ouverte à des évolutions futures, ou que les organismes d’adoption puissent progressivement se tourner vers d’autres pays plus ouverts. De plus, l’argument de la réaction d’autres États pour bloquer une avancée dans notre pays est un comble. Comment justifier de laisser subsister une discrimination en Droit belge sous prétexte que cela serait fort apprécié en Chine, en Bolivie ou au Mali ? Ces sénateurs ont une étrange conception de la souveraineté nationale qu’ils sont pourtant censés incarner.

Quant à une possible réaction de rétorsion elle est purement fantaisiste dans la mesure où un État ne recourt à l’adoption de ses ressortissants que dans des situations de nécessité absolue, privilégiant d’abord, et c’est heureux, toute autre solution à l’intérieur de son propre pays. Dès lors qu’ils auront les garanties suffisantes, l’adoption par des couples hétérosexuels ne sera pas remise en question. Dans les faits, certains pays s’opposent déjà aux adoptants isolés pour cette raison, sans que cela ne freine l’adoption par des couples hétérosexuels.

(Thierry Delaval – Responsable de la Cellule Politique)