Édito | Avril 2013 – Se plaindre, c’est bien. Proposer, c’est mieux.

On vous en touchait un mot lors du dernier édito, un plan d’action interfédéral contre l’homophobie a été mis en place. Le premier volet du plan, s’attaquant à la lutte contre les violences, a abouti à une série de recommandations au niveau judiciaire et juridique. Si ces avancées étaient attendues, le milieu associatif avait souligné l’importance de ne pas se limiter à ces domaines. Alors que le plan entame son second volet, concernant les discriminations, la Fédération Arc-en-Ciel Wallonie, associée aux discussions, a publié une série de 42 propositions, autant de pistes de réflexions pour nourrir le débat.

Je ne vais bien sûr pas vous décrire en long et en large ces 42 mesures ici dans notre édito alliàgesque. Cela mériterait bien plus d’espace que cela et Arc-en-Ciel Wallonie, à tout seigneur tout honneur, a déjà très bien fait cela dans le document « 42 pistes pour lutter contre l’homophobie » publié sur leur site www.arcenciel-wallonie.be. Mais j’ai voulu mettre ici en avant quelques-unes de ces mesures, soit parce qu’elles sont assez emblématiques ou tellement simples qu’on se demande pourquoi elles ne sont pas déjà mises en place.

Un des domaines majeurs où il est essentiel d’agir, c’est bien entendu l’éducation. On le sait (ou vous allez le savoir) l’adoption de l’EVRAS (Education Vie Affective et Sexuelle) par la Fédération Wallonie-Bruxelles fin juin 2012 va obliger toutes les écoles à intégrer l’éducation sexuelle dans leur programme. Le hic, c’est qu’il n’y a pas d’obligation sur les thématiques à aborder. Donc aucune certitude que la diversité des orientations sexuelles sera prise en compte. Le plan pourrait être l’occasion de fixer des objectifs clairs allant dans ce sens.

Les écoles doivent aussi être encouragées à être plus proactives: campagne de sensibilisation en interne, personne de référence dans le personnel pédagogique, utilisation d’ouvrages non discriminants et prenant en compte la diversité des genres et des sexualités.

Pour agir, il faut aussi avoir une idée du terrain, des situations qui se présentent. Il faudrait pour cela permettre un meilleur référencement des comportements discriminatoires qui ont cours dans les écoles.

Le domaine de la santé peut aussi profiter de nombreuses améliorations. On le sait, la sexualité des seniors est déjà un sujet fort tabou dans notre société ; l’homosexualité de ceux-ci est donc encore plus tue. Une sensibilisation du personnel soignant des maisons de repos est donc essentielle. D’une façon générale, tous les acteurs du monde de la santé (médecins, infirmiers, gynécologues, urologues,…) devraient être davantage formés et informés sur l’approche du public LGBT.

Les transgenres sont aussi très pénalisé-e-s par le monde médical : obligation de suivi psychiatrique, de changement de sexe « complet » et de stérilisation. C’est à ces seules conditions, à accepter intégralement, qu’une personne pourra avoir accès à un changement d’état civil. C’est une demande importante de la population transgenre de voir lever ces obligations. Si un plan contre la discrimination ne s’attaque pas à ce sujet, qui le fera? D’un point de vue symbolique, on peut aussi espérer que la Belgique, pionnière sur bien des questions d’égalité pour les LGBT, joue un rôle au niveau international pour faire retirer la trans-identité et l’intersexualité de la liste des maladies mentales.

Si la loi sur l’adoption (merci, on est très content de l’avoir!) a été une vraie avancée, l’adoption reste un processus très lourd (particulièrement pour les adoptions intra-familiales). Dans le champ de la famille, le plan peut aussi prendre des décisions fortes : permettre la reconnaissance d’un enfant par deux mères ou deux pères, sans passer par l’adoption, légiférer sur la gestation pour autrui et offrir ainsi une protection (j’allais dire « une meilleure protection », mais en fait, pour le moment, il n’y a juste aucune protection pour eux!) aux couples qui doivent passer par cette alternative. Toute une série d’acteurs administratifs et judiciaires (consulats, services d’état civil,…) devraient aussi recevoir des directives claires pour permettre aux personnes qui ont recours à la GPA à l’international d’éviter tout problème que cela soit l’impossibilité de déclarer l’enfant ou de procéder à un regroupement familial. En échange de bonnes pratiques entre voisins, on pourrait s’inspirer (pour une fois sur ces thématiques) de nos amis français, dont la Garde sceaux Christiane Taubira a envoyé fin janvier une circulaire dans ce sens aux magistrats. Ce texte leur demande de délivrer les Contrats de Nationalité Française aux « enfants nés à l’étranger de Français, lorsqu’il apparaît, avec suffisamment de vraisemblance, qu’il a été fait recours à une convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui (GPA) ». Si elle ne règle pas la question de la GPA (à laquelle la majorité gouvernementale se dit toujours opposée), cette circulaire a au moins le mérite de régler plusieurs situations problématiques (39 cas sur les 4 dernières années d’après le gouvernement français).

Un autre domaine, souvent ignoré, est celui du logement. Si une attention toute particulière doit être portée sur toute discrimination basée sur l’orientation sexuelle (refus de location), il faut aussi penser au public des jeunes LGBT qui, au hasard d’un coming-out, peuvent se retrouver du jour au lendemain mis à la porte de chez eux. Si on n’a pas de chiffres sur le sujet en Belgique, on sait qu’en France, le Refuge, a été créé dans le but d’accueillir ces jeunes en difficulté. Et leur service ne désemplit pas. Il serait donc étonnant que la Belgique soit « le pays des Bisounours » sur cette question. De mon expérience à Alliàge, je dirai que cette problématique touche aussi les personnes transgenres. Je me rappelle d’une transgenre, male to female, qui devait rejoindre un hébergement d’accueil mais que l’on ne pouvait mettre avec les femmes (car état civil masculin) et qui craignait d’être logée avec les hommes.

Sur les questions culturelles, il y a des actions « simples » mais symboliques que le plan pourrait reprendre: intégration du Fonds Suzan Daniel au Services des Archives de la Fédération Wallonie Bruxelles ; encourager les bibliothèques à référencer de manières claires et optimales les ouvrages sur les identités sexuelles et de genre.

Voilà donc un petit tour d’horizon non-exhaustif des propositions d’Arc-en-Ciel Wallonie. Il y en a encore bien d’autres sur l’emploi, la recherche scientifique (bourse pour des recherches sur les questions et les cultures LGBT), l’audiovisuel (notamment sur la cyberhaine que l’on voit fleurir sur chaque site journalistique suite aux articles sur le mariage homo, l’homophobie,…), le sport, le don de sang (souvent abordé depuis longtemps et que j’ai donc volontairement mis de côté ici),… Encore une fois, vous pouvez retrouver l’intégralité et le détail des ces propositions sur le site d’Arc-en-ciel Wallonie.

Il me reste à vous souhaiter un bon mois d’avril et à vous donner rendez-vous en mai pour les Semaines Arc-en-Ciel, la Journée Mondiale de Lutte contre l’Homophobie (n’oubliez pas, le 17 mai, à vos pin’s) et la Pride sur le thème « Rainbow Families ».

Jean-Pierre