Édito | Avril 2019

Comment écrire un édito sans évoquer la catastrophe de Christchurch ? Ou plutôt pourquoi évoquer cet événement dans ce cadre ? Ces attaques et ces contre-attaques, cette haine et la haine qui en résultent sont autant de symptômes auxquels, je pense, nous nous devons de faire attention. Sommesnous en train de vivre la fin d’un monde ? Chaque jours, les limites que la société s’était définies se voient pulvérisées. S’il y a encore quelques années, le raciste et le xénophobe se cachaient dans le fond des bars ou dans quelques partis marginaux et marginalisés. Aujourd’hui, c’est sans entrave et sans gêne qu’ils déversent leurs propos en pleine lumière. Mais d’aucuns diront que ce n’est pas notre problème, nous LGBT. Pourtant, cette année, nos mouvements, à l’échelle nationale, se sont inscrits dans une démarche intersectionnelle pour dire que des luttes, en fait, il n’y en a qu’une qui est celle pour l’égalité. Une démarche qui rassemble et qui montre qu’aucune minorité n’est vraiment isolée et que nos combats se recoupent et se conditionnent entre eux. Plus concrètement, lorsque l’on s’inscrit dans une démarche de haine et de domination, on se s’arrête pas au racisme et à la xénophobie. C’est en fait l’Autre et la différence qui sont les problèmes. L’attaque de la Maison Arc-en-Ciel de Charleroi, celle toute récente de la Rozehuis d’Anvers ou les camps de concentration tchétchènes s’inscrivent dans ce processus (certes à des degrés différents de gravité). Ce sont autant de coups de semonces qui nous rappellent qu’après eux, ce sera nous, d’autant plus que très souvent eux c’est nous. Ce que l’on prenait pour un phénomène français, ces marches contre le mariage pour tous, ces ultra-catholiques coincés qui nous craignent et nous attaquent, n’étaient en fait que le début d’autre chose. Aujourd’hui, ces mouvements se multiplient et sont à nos portes. L’Italie, la Pologne ou la Hongrie ne sont que les parties émergées d’un Iceberg conservateur et rétrograde qui risque bien de faire chavirer l’Europe. Alors, s’il fallait répondre à la question posée plus haut, je dirais que oui. Oui, nous sommes en train de vivre la fin d’un monde et le début d’autre chose. La dynamique qui s’était établie au sortir de la seconde guerre mondiale semble s’essouffler. Ce pacte social qui a vu croître nos acquis sociaux jusqu’à nous faire complètement sortir du placard est aujourd’hui bel et bien mis à mal. Nous sommes dans cet espace de transition où tous les possibles existent. C’est notre devoir de faire en sorte que demain soit mieux encore qu’hier. Nous devons faire front face à la haine car ce n’est qu’ensemble que ce sera possible. Si votre Maison Arc-en-Ciel existe c’est aussi pour cela.

Cyrille Prestianni