Édito | Discours d’ouverture de la Belgian Pride du 18 mai 2019

Comme chaque année, l’ILGA vient d’éditer une nouvelle carte des droits LGBTQI en Europe. Force est de constater qu’elle est loin d’être homogène. Force est de constater qu’une fracture forte existe entre une Europe où l’on peut être libre d’exister comme on l’entend et une autre où la vie d’un LGBTQI reste un défi quotidien, voire un exploit.

Aujourd’hui, des mouvements rétrogrades, patriarcaux ou ultra-tout se multiplient et sont à nos portes. L’Italie, la Pologne ou la Hongrie ne sont que les parties émergées d’un Iceberg conservateur et rétrograde qui risque bien de faire chavirer l’Europe, cette Europe qui, en tant que projet, en tant que réalité politique, apparait bien incapable de combattre ces peurs, ces haines, ces violences, ces douleurs, montrant une fois encore qu’elle est plus une Europe des chiffres et de l’économie qu’une Europe des gens et du social.

A la veille d’élections, dans le contexte que nous connaissons d’isolationnisme de certains qui ont monopolisé les débats depuis deux ans…, il est plus que nécessaire de prendre la mesure de la crise que nous sommes en train de traverser. L’Europe doit prendre ses responsabilités. L’Europe est une utopie, un rêve formulé par quelques uns il y a plus de 60 ans… Ne la laissons pas aux mains des égoïstes et des haineux… Ne la laissons pas devenir un cauchemar pour tous !

La Belgique est toujours placée deuxième des pays européens dans le classement de l’ILGA. J’en suis fier. Je suis fier de vivre dans un pays où les combats militants ont été entendus. Et pourtant, pourtant Unia faisait état, il y a quelques semaines, d’une augmentation de près de 55 % des actes racistes en 5 ans et d’une augmentation de près de 40 % des actes homophobes sur notre territoire. Le combat n’est pas fini et est loin de l’être !

Cette année, les trois coupoles des associations LGBTQI du pays, Arc-en-Ciel Wallonie, La RainbowHouse de Bruxelles et Çavaria ont décidé de mettre en avant le thème de l’intersectionnalité. Derrière ce terme difficile à prononcer, derrière ce thème qui semble finalement assez classique, c’est en réalité un changement de paradigme que nous nous proposons d’opérer. L’Intersectionnalité, est une grille de lecture. Un point de vue différent qui risque bien de tout changer.

Le Thème de la Pride de cette année, bien plus qu’un slogan est un cri qui réclame un changement. L’intersectionnalité est le défi de demain, Mesdames et Messieurs les décideurs. Le développement de politiques et d’une société prenant en compte les discriminations et les oppressions dans leur ensemble et dans leurs complexités est nécessaire. Nous sommes tous au carrefour de plusieurs identités. Nous sommes tous le fruit de multiples idées. Celles-ci ne s’additionnent pas comme les couches d’un millefeuille, mais nous identifient toutes et sont indissociables les unes des autres. Ihsane Jarfi, assassiné il y a 7 ans à Liège, n’était pas seulement gay, il était aussi nord-africain et racisé… Il n’était pas l’un ou l’autre, mais tout à la fois, définissant un type bien précis d’oppression, de discrimination.

Parce que des femmes trans et noires existent, parce que des hommes gays de plus de soixante ans et séropositifs sont une réalité, parce que je connais des homosexuels en chaise roulante, parce que des femmes lesbiennes en situation de précarité extrême ne sont pas rares, des politiques adoptant une grille de lecture intersectionnelle sont nécessaires. Une justice prenant en compte l’intersectionnalité est plus que nécessaire !

Nous vivons des temps de radicalité. Nous vivons des temps où la parole s’essentialise et où le LES prend souvent la place du DES. Des migrants devient LES migrants. Des policiers devient LES policiers, des politiciens devient LES politiciens, et bien d’autres exemples encore. Un discours militant, ne peut pas faire l’économie de la nuance. La société et les gens sont complexes au-delà de ce que nous percevons. Nous avons des alliés même là où on ne les attend pas !

L’année dernière, nous accueillions un nouveau groupe… Timide, inattendu… Atypique peut-être ! C’était celui de l’ULB et de la VUB. Posant un acte militant, les autorités de l’université ont pris une décision forte qui engageait toute l’institution. De plus, et il faut le noter parce que je pense que ça ne s’est produit nulle part ailleurs en Europe, le Recteur et la Rectrice de ces universités marchaient avec nous ! Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Ce qui aurait pu rester comme une tentative de Pink Washing superficielle s’est transformée, cette année, en une véritable campagne de lutte contre la LGBTQI-phobie au sein de l’Institution et amène à une participation encore plus importante cette année. Qu’on ne me suspecte de rien, je suis un enfant de l’Université de Liège !

C’est aussi ça la Belgian Pride !

La Belgian Pride occupe une place cruciale dans notre calendrier militant et représente un moment où nous sommes particulièrement écoutés. La Belgian Pride est importante pour nos associations parce qu’elle est un moment d’union. Un moment où l’on voit que nous ne sommes pas seuls. La Belgian Pride est importante pour tous ces gens qui regardent dans le public ou de chez eux et qui se rendent compte que d’autres sont comme eux…

La Belgian Pride est une fête, un espoir, un acte militant, une manifestation, elle est tout ça à la fois… Nous voulons tous la même chose… Nous poursuivons tous un même idéal… Celui d’une société libre, mais surtout celui d’une société égalitaire ! Soyons fiers d’être libres, soyons fier.ère.s d’être ce que nous sommes ! Et montrons cette fierté… Nous devons faire front ! Battons-nous ensemble pour que demain soit encore meilleur qu’aujourd’hui ! Et crions : “All for one et one for ever !!!!”.

Bonne Pride à tous !