Édito | Février 2024

Une mobilisation record. Un rassemblement historique. Une démocratie main dans la main. Le week-end du 20 janvier 2024 restera, pour beaucoup, un moment fort de solidarité et d’engagement. En Allemagne, près d’1,4 millions de personnes sont descendues dans la rue pour faire barrage à l’extrême droite. En cause, la montée, de plus en plus prégnante, du parti Alternative für Deutschland (l’Alternative pour l’Allemagne ou l’AfD) et l’information, dévoilée par les médias allemands quelques jours plus tôt, sur la tenue d’une réunion secrète, lors de laquelle a été discuté un plan de « remigration », destiné à l’expulsion, à grande échelle, de demandeurs d’asile et de personnes d’origine étrangère. Un événement qui a marqué l’opinion publique, faisant ainsi ressurgir les pages sombres de l’histoire allemande et, dans la foulée, les fantômes du nazisme. Du nord au sud du pays, c’est une véritable marée humaine qui s’est emparée des plus grandes villes allemandes. On dénombrait 45.000 personnes à Brêmes. 50.000 à Dresde. 70.000 à Cologne. 75.000 à Francfort. 100.000 à Munich. Et, enfin, iels étaient plus de 350.000 à se réunir à Berlin sur l’Esplanade du Reichstag, siège du Parlement allemand. Là où les décisions politiques sont votées. Là, aussi, où la démocratie peut vaciller à tout moment.

Cela fait déjà quelques années que la politique allemande s’enflamme. La crainte d’un retour de l’extrême droite au pouvoir semble ne plus être un lointain cauchemar. Évincée de la scène politique depuis près d’un demi-siècle, l’AfD a franchi l’étape du scrutin en 2017 et s’est réinvitée au Parlement pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Avec, sans surprise, des enjeux et des positions particulièrement écœurantes. La formation politique suit les idées propres aux partis nationalistes européens qui fleurissent un peu partout en Europe, à l’image de Fratelli d’Italia en Italie, du Partij voor de Vrijheid aux Pays-Bas ou, plus proche de nous, du Vlaams Belang. Anti-migrants, anti-euro, anti-LGBTQIA+, l’AfD se positionne aussi comme défendeur de la « famille traditionnelle » et s’engage, dans son programme, à combattre toute mention d’homosexualité et de transidentité à l’école, en passant par l’interdiction des études de genre. Des positions qui inquiètent d’un côté, mais qui plaisent de l’autre. Aujourd’hui, le parti performe dans les sondages, avec 22% d’intentions de vote au niveau national, un score qui monte même à plus de 30 % des voix dans les trois régions de l’est.

Quel rempart contre l’extrême droite ? Ce week-end, les allemand·es ont décidé de faire front. S’unir, protester, se mobiliser. Inonder les rues de messages d’espoir, de slogans implacables, de drapeaux arc-en-ciel, sans omettre de mentionner les rappels à l’histoire. Faire surgir un élan de solidarité pour montrer qu’ensemble, nous pouvons lutter pour que l’histoire ne se répète plus jamais.

■ Marvin Desaive,
Rédacteur en chef