Édito | Juin 2006

À l’occasion de la Journée Mondiale de Lutte contre l’Homophobie, la Ministre de l’Égalité des Chances du Gouvernement wallon Christiane Vienne a choisi la Maison Arc-en-Ciel de Liège pour y donner une conférence de presse (voir ci-dessous). La Ministre s’est notamment exprimée par rapport à la problématique du refus, de la part de la Croix-Rouge, de tout don de sang par les homosexuels masculins. On se souviendra qu’en 1998 déjà, Alliàge avait interpellé le Ministre de la Santé de l’époque Marcel Colla (SP) ainsi que la Croix-Rouge de Belgique pour dénoncer ce que nous considérions déjà à l’époque comme une discrimination inacceptable. Deux Présidents de parti étaient intervenus dans le débat, quelques parlementaires s’étaient émus de notre indignation et l’avaient relayée, la presse en avait donné un large écho… Huit ans plus tard, et malgré d’autres importantes vagues revendicatives (notamment en 2002 et 2004), la situation n’a pas changé. Tout récemment, la commission ENPH (Ecolo Nous Prend Homo) a organisé une action symbolique devant le cabinet du Ministre fédéral de la Santé Rudy Demotte (PS). La réponse de son chef de cabinet, Renaud Witmeur, mérite que l’on s’y attarde : « […] La Belgique ne manque pas de sang. Aucun pays européen ne tolère actuellement les dons provenant d’homosexuels masculins. Il est inacceptable que l’on parle de discrimination » (source : www.lesoir.be). Cependant, d’après la Croix-Rouge elle-même, « on constate que le nombre de donneurs diminue régulièrement d’année en année » et « il n’y a pas d’excédents qui permettraient [à la Belgique] de vendre du sang à l’étranger » (source : www.transfusion.be). Si la Belgique ne manque pas de sang, on ne peut donc pas affirmer que sa situation, en matière de stocks, soit confortable. Quant à l’argument relatif à la situation en Europe, M. Witmeur est mal informé : le Portugal a en effet levé cette interdiction en mars dernier. En Italie, le Président de la région de Vénétie, M. Giancarlo Galan (Forza Italia) est le premier à avoir répondu positivement à l’appel de l’ex-Ministre de la Santé Francesco Storace (Alleanza nazionale) qui a ordonné aux hôpitaux de mettre fin à leur « attitude inacceptable, privée de fondement, diffamatoire et discriminatoire ». D’autres pays pourraient emboîter le pas : en Suède notamment, le premier Ministre Göran Persson (Social-Démocrate) s’est prononcé en faveur de l’autorisation du don de sang par les gays. En France, Jack Lang (PS) ou Jean-Luc Romero (UMP), notamment, ont interpellé le Ministre de la Santé Xavier Bertrand (UMP) pour que l’interdiction soit levée. En Andorre, deux plaintes ont été déposées contre l’Établissement du sang français, dont le petit État dépend en matière de transfusion. Partout, la revendication est la même : il faut faire la différence entre les comportements à risque et l’orientation sexuelle. Alors que le concept de conduite à risque entraîne une exclusion temporaire parfaitement justifiée, le concept de population à risques entraîne une exclusion définitive inutilement discriminatoire, quoi qu’en dise M. Witmeur. La Ministre Christiane Vienne l’a bien compris en qualifiant cette discrimination d’acte homophobe, et en promettant de relancer le débat.

(Michel Thomé)