Édito | Juin 2016 – Entre législations et perceptions

C’est désormais un rituel annuel. Au mois de mai, la fédération européenne des associations LGBT (ILGA-Europe) publie une carte et un classement des pays, du plus LGBT-friendly au moins LGBT-friendly, dans une perspective législative. Chaque année, la publication est une occasion de s’auto-congratuler ou au contraire de rougir de honte.

Sans surprise, les pays d’Europe occidentale sont teintés de vert (à l’exception notable de l’Italie), tandis que l’Europe centrale et orientale affiche plutôt des couleurs cramoisies, la Russie remportant la palme en la matière.

Précisons avant tout que l’exercice est exhaustif. Un peu plus de 50 critères sont examinés qui couvrent l’anti-discrimination, le droit des familles, les crimes et discours de haine, mais également toutes les questions de législation qui concernent les personne trans’ et le droit d’asile.

Complet donc. Dans une perspective uniquement législative. Et c’est vrai que de ce point de vue, la Belgique n’a pas à rougir. Nous sommes désormais le second pays européen dans le classement, juste avant le Royaume-Uni et après Malte qui est première. Cocorico.

Malte première ? Oui. Malte… C’est que précisément, le classement ne se penche que sur les questions législatives. Mais quid alors du vécu des LGBT dans les différents pays de l’Union européenne face aux discriminations et aux violences ?

Pour répondre à cette question, c’est du côté de l’Agence européenne pour les Droits fondamentaux (FRA) que l’on trouvera des éléments de réponse. Dans un rapport de 2013, la FRA a posé la question à près de 100.000 citoyens de l’UE s’ils s’étaient sentis discriminés dans le champ de l’emploi dans les 12 mois qui précédaient l’enquête. Ici, Malte disparait du trio de tête et est même reléguée à la 22ème position à égalité avec la Pologne ou l’Irlande.

Et la Belgique ? Ici, elle se retrouve 3ème du classement, avec tout de même 26 % des répondants qui répondent par l’affirmative.

Plus récemment (en fait au mois de mai de cette année), c’est Unia (le nouveau nom du Centre pour l’Egalité des Chances) qui a commandité une enquête sur l’acceptation des homosexuel-le-s dans la vie quotidienne. On y apprend par exemple qu’à l’école, près de 3 répondants sur 10 ne seraient pas d’accord que les manuels scolaires utilisés par son enfant utilisent des illustrations mettant en scène des parents ou couples de même sexe.

D’autres résultats viennent nuancer le propos. Près de 9 répondants sur 10 (88 %) n’accepteraient pas qu’un de leurs amis traite de “sales pédés” un couple homosexuel. Et pour 63 % des sondés, il est par ailleurs tout à fait normal qu’un couple d’amis gays s’embrassent en rue. Ils ne sont toutefois plus que 43 % à le penser pour un couple gay qui ne fait pas partie de leur cercle d’amis.

On distingue également dans l’enquête le lien plus prononcé entre la masculinité et l’homophobie. 47 % des sondés masculins disent expliquer clairement à leur fils que les relations hétérosexuelles représentent la seule norme, contre 26 % des femmes interrogées.

Des résultats encourageants selon Unia, mais qui relativise tout de même le cocorico d’une deuxième place dans le classement de l’ILGA-Europe. Bien entendu, les deux informations sont intéressantes. Mais l’une sans l’autre, elles ne donnent qu’un aperçu partiel de nos réalités… en tant que citoyen-ne-s…
et en tant qu’individu au jour le jour.

Vincent Bonhomme