Édito | Mai 2014

Ce que nous voulons.

En Belgique francophone, c’est aux environs de 1953 que sont nés les premiers groupes homophiles, comme on disait à l’époque (plus tard on dira homosexuels puis LGBT). A l’époque, l’homosexualité et encore plus l’homosexualité féminine étaient des non sujets. L’homosexualité ne se disait pas.

Le contraste avec la société belge d’aujourd’hui est saisissant. Les médias, du plus conservateur au plus progressiste, les politiques, du plus catholique au plus laïc, les institutions de santé publique, de la plus institutionnalisée à la plus personnifiée, l’institution scolaire, de la plus libre à la plus officielle, la justice, de la cours constitutionnelle à la justice de paix… tous parlent, se positionnent, diagnostiquent, enseignent ou portent des jugements liés à l’homosexualité (en tous cas à l’homosexualité masculine, les lesbiennes restant invisibilisées dans la plupart des discours).

Ces discours, en Belgique, en 2014, ils existent. La presse écrite, les radios, les télévisions les relaient. Le cdH, ECOLO, le MR, le PS (et le FDF et le PTB-GO) s’en emparent. L’INAMI, l’Institut scientifique de Santé publique, la Société des Médecins généralistes, les traitent. Les directions d’établissements scolaires, les Centres locaux de Promotion de la Santé, les réseaux, les CPMS en dispensent une vision. Les cours et tribunaux en sanctionnent des jugements.

Ces discours existent. Qu’on le veuille ou non, qu’on les trouve salutaires ou désastreux, qu’on préfère vivre caché ou qu’on ne le préfère pas… quels que soient notre volonté, notre sentiment ou notre préférence politique, les ministres, les médecins, les professeurs, les magistrats parlent de nous (ou en tous cas de l’homosexualité).

La force de ces discours est proportionnelle à la légitimité de ceux qui les profèrent, que cette légitimité soit électorale, acquise par un diplôme ou un capital économique (je pense à des patrons de presse par exemple).

Et c’est précisément à cause de cette légitimité qui leur est accordée que nous devons rester vigilants. Que nous devons acquérir notre propre légitimité. Que nous devons donner notre point de vue. C’est l’existence de ces discours légitimés qui nous oblige à forger nos propres discours et notre action politique.

Comprendre la société qui nous entoure, discerner les enjeux, observer, prendre le temps de la réflexion et, finalement, agir.

La législature qui se termine aura été marquée par de très nombreux dossiers politiques liés aux thématiques LGBT. Au niveau régional, on soulignera l’adoption du décret maisons arc-en-ciel le vendredi 11 avril dernier qui prévoit des agréments pour pas moins de sept maisons arc-en-ciel sur le territoire de la Région wallonne, dont deux en Province de Liège.

Au niveau fédéral, on se souviendra (ou pas) du plan homophobie/transphobie adopté le 17 mai 2013 et dont les maigres fruits nous laissent perplexes. Au fédéral toujours, on mentionnera ces innombrables atermoiements de la majorité autour des questions de filiation et de reconnaissance (les gays et les lesbiennes doivent toujours adopter leurs enfants) et dont on a du mal à déterminer si l’épilogue sera atteint au cours de cette législature ou lors de la suivante (ou de celle d’après ?).

Au niveau communautaire, on se rappellera l’inscription de l’EVRAS (Education à la Vie relationnelle affective et sexuelle) dans le décret qui définit les missions de l’enseignement. On gardera surtout ce goût un peu amer de la frilosité politique à garantir l’égalité d’accès à l’éducation sexuelle.

Les dossiers politiques ont été nombreux. Il y a fort à parier qu’ils le seront tout autant après le 25 mai, jour des élections. On peut être certain que les ministres (et députés), les professeurs, les avocats, les médecins, les médias,… vont continuer à parler d’homosexualité. Pour le meilleur et pour le pire, selon la formule consacrée.

Et nous ?

Nous aussi, on va continuer à en parler. A dire ce que nous voulons.

Je m’en voudrais de terminer cet édito sans mentionner l’excellent programme des journées arc-en-ciel de cette année. Apéro littéraire, expositions, Tea Dance, Pride, conférence, repas, visite guidée, natation, pique-nique, théâtre, débat, quizz… c’est le programme que vous proposent Alliàge et ses partenaires pour ce mois de mai.

Bonne lecture !

Vincent Bonhomme