Édito | Mai 2015

Si j’ai mal à la gorge, je peux consulter un médecin. Celui-ci va m’examiner, poser un diagnostic et, éventuellement, me prescrire des médicaments. Le schéma est le suivant : symptômes, diagnostic, traitement.

Pour un mal de gorge ou d’autres symptômes observés couramment par la plupart des médecins généralistes et qui renvoient à des maladies connues du grand public, le canevas est simple.

Mais les symptômes et les maladies peuvent être plus ou moins rares, plus ou moins faciles à traiter, et, si l’on se penche sur les désordres mentaux, l’objectivité scientifique peut confiner au mirage. C’est ce qu’on voit à travers l’histoire des classifications des maladies.

L’une de ces classifications est produite par l’Organisation mondiale de la Santé : la CIM, pour Classification internationale des Maladies (ICD en anglais). C’est un registre des maladies dans lequel on retrouve toutes les pathologies existantes considérées comme telles. C’est l’une des bibles médicales.

La CIM fait l’objet d’évaluations et de révisions périodiques. Historiquement, elle nait en 1893 sous la direction d’un médecin français, Jacques Bertillon, mandaté par l’Institut international de Statistique pour proposer une classification des différentes causes de mortalité. Cette première CIM fait l’objet de 5 révisions jusqu’en 1938. Dès 1945, c’est l’OMS, nouvellement créée, qui est chargée de l’évaluation et de la mise à jour de la CIM. Trois ans plus tard, en 1948, la CIM-6 est publiée. Et un an plus tard, un chapitre sur les troubles mentaux y est joint, parmi lesquels, les déviances sexuelles dont l’homosexualité.

Il semblerait que la curiosité croissante des médecins pour les troubles mentaux, à la fin des années 40, soit lié, notamment, à la seconde guerre mondiale et à l’intérêt croissant que l’armée étasunienne porte à ses vétérans et leur stress post-traumatique.

C’est donc en 1949 que, formellement, les soucis commencent. Dans les années qui suivent (et encore de nos jours), des recherches médicales vont être menées pour tenter de circonscrire les symptômes, définir des protocoles, formuler des diagnostics et, in fine, proposer des traitements de l’homosexualité.

Ce n’est que le 17 mai 1990, soit 41 ans plus tard, que la version 10 de la CIM ne comprend plus de référence directe à l’homosexualité comme étant une pathologie. C’est cette CIM-10 qui est toujours en vigueur à l’heure actuelle.

Reste que la CIM-10 continue de mentionner qu’une orientation sexuelle mal vécue peut constituer un trouble psychiatrique en soi. De nombreux autres troubles de la sexualité sont d’ailleurs toujours inscrits, comme le voyeurisme, l’exhibitionnisme, le fétichisme, le travestissement, le sadomasochisme,… de même que le changement de genre est toujours considéré par les médecins comme un trouble psychiatrique.

En 2017, les travaux de rédaction de la CIM-11 aboutiront. Une version bêta de la CIM-11 est accessible en ligne pour permettre à toutes les parties prenantes qui le souhaitent de formuler des commentaires. Certains groupes de travail chargés de faire des propositions pour la CIM-11 ont plaidé pour retirer purement et simplement la catégorie F66 de la CIM. C’est cette catégorie qui recense les désordres psychologiques et comportementaux associés à l’orientation et au développement sexuel.

Bien entendu, nous espérons qu’ils seront entendus. Et bien entendu, nous continuerons, nous aussi, de plaider pour que les comportements sexuels sortent du champ de compétence des médecins.

Le 17 mai, c’est ça que nous commémorons : le retrait de l’homosexualité du registre des maladies mentales.

C’est une date importante, qui marque la fin d’un règne, de 41 ans du stéthoscope sur nos amours.

Vincent Bonhomme