Il y a quelques jours, le 22 février, les maires de Paris, Londres, Berlin et Moscou se sont réunis en sommet. Le maire de Moscou, Youri M. Loujkov, interrogé sur son attitude vis-à-vis de la prochaine gay pride qui doit se tenir dans cette ville, moyennant son autorisation, a répondu à la presse avoir une attitude négative face à l’homosexualité selon (sa) philosophie naturelle (Têtu.com du 23 févier). Après la Pologne (voir l’édito du mois dernier), la Russie affiche clairement son homophobie et ce devant les maires ouvertement homosexuels de Paris (Bertrand Delanoë) et Berlin (Klaus Wowereit). Bien évidemment, ces deux derniers ont pris leur distance expliquant que l’homosexualité n’est pas contre nature.
Que deux des plus grandes villes d’Europe aient des maires vivant ouvertement leur homosexualité, ce qui ne les a pas empêchés d’être élus, montre l’évolution positive des pays occidentaux. Mais l’attitude du maire de Moscou est probablement encore très répandue, y compris parmi les personnalités politiques de notre pays. À l’approche des élections communales et provinciales, il me paraît important de répéter qu’Alliàge n’admettra pas de telles prises de position sans réagir. Le pouvoir communal est celui le plus proche des gens. Il est donc essentiel pour le bien être des gays et des lesbiennes que les communes s’engagent à les accueillir comme tous les autres citoyens. Dans le cadre de l’animation de leur ville, certaines administrations communales françaises, ont élaboré avec les associations LGBT et les commerçants (entre autres) des chartes gay friendly. Cette initiative paraît intéressante. Par ailleurs, ce sont me semble-t-il, les écoles ainsi que les services d’état civil et de police qui sont les plus concernés. Alliàge reviendra sur ces questions dans les mois à venir. Je vous signale dès à présent que le thème de la prochaine gay pride, le 27 mai, sera consacré à cette problématique. Cette année, nous défilerons en effet sous le slogan DiverCity.
Pour répondre au maire de Moscou, j’emprunterai le raisonnement du Docteur Yves Ferroul (Médecins et sexualités, Ed. Ellipses, 2002). Les jambes sont faites pour marcher, dit-il, mais est-il contre nature, et donc répréhensible moralement, de les utiliser pour nager ? Il poursuit en expliquant que l’expression contre nature a constamment changé de sens durant les siècles. Pour le philosophe grec Sénèque, l’homosexualité était contre nature parce qu’elle était un comportement trop raffiné comme de prendre un bain chaud plutôt qu’un bain froid. Saint-Augustin estime qu’il est contre nature de dégrader le corps d’un homme au niveau de celui de la femme. Heureusement, les féministes ont mis fin à cette vision de la supériorité de l’homme sur la femme. Au Ve siècle, Salvien de Marseille tient un raisonnement proche. Ce qui est contre nature, c’est le comportement hyper viril de l’homosexuel qui ne se contente pas de dominer une femme et cherche à dominer un autre homme. Enfin, depuis le XIXe siècle, c’est plutôt la condamnation d’une activité sexuelle non reproductive qui est dénoncée par cette expression. Toutes ces définitions apparaissent au- jourd’hui vides de sens. Au contraire, selon Y. Ferroul, l’humanité s’enrichit de toutes les expériences et dans ce cadre l’homosexualité n’est qu’une simple variante comportementale dans laquelle cette prétendue philosophie naturelle n’a rien à voir.
(Thierry Delaval)