Édito | Mars 2023

Aux alentours du 8 mars, comme pour la Saint-Valentin, nous verrons sans doute fleurir dans la presse et certains magasins liégeois des messages invitant la gent masculine, pour la « journée de la femme » à fêter leurs compagnes ou leurs secrétaires avec de l’électro-ménager, ou à tout le moins une rose. Et pourtant, l’esprit du 8 mars, c’est absolument l’opposé de cela. C’est l’unique journée mettant en lumière la lutte des femmes pour leurs droits. Une journée pour se souvenir de nos combats passés, de nos échecs et nos victoires, des petites ou grandes avancées et des retours en arrière. En Belgique, bien que nous bénéficiions d’une situation bien plus favorable qu’ailleurs, de nombreux défis demeurent, des forces de plus en plus vives oeuvrent dans l’ombre, ou même en pleine lumière, contre le « wokisme », cet état d’esprit « éveillé ». Mais que signifie ce mot apparemment si terrifiant ? C’est en réalité la simple prise de conscience qu’en tant que groupe dominant (celui des hommes, celui des hétéros, celui des blancs, celui des nantis, etc.) nous jouissons de certains privilèges. Au détriment de toutes ces autres personnes qui n’en bénéficient pas.

En tant que lesbienne, j’ai été victime de discriminations, d’ostracisme, et même parfois de violences. Néanmoins je choisis d’être également consciente qu’en tant que femme blanche valide, je suis privilégiée. Contrairement par exemple aux nombreuses personnes transgenres précaires et/ou racisées, qui restent confrontées à la haine et l’intolérance, ainsi qu’au manque de perspectives de carrière, d’inclusion en général. Cette prise de conscience n’efface ni mes souffrances, ni la nécessité de mes luttes. Elle met au jour la nécessaire articulation de celles-ci autour de celles qui ne me concernent pas directement.
A la Maison Arc-en-Ciel de Liège, nous nous efforçons de rendre nos locaux et activités « safe » pour toutes les personnes LGBTQIA+. Mais c’est tout l’espace public, tous les lieux de travail, toutes les infrastructures de santé qui devraient toustes nous accueillir avec bienveillance. Au lieu de cela, stigmatisation et discrimination restent le lot quotidien de trop nombreuses personnes, et en particulier les femmes dans notre société.

S’inscrivant dans une série de partenariats liégeois, la MAC vous propose de nous souvenir de figures féminines du passé, d’abord en allant visiter l’exposition Constellations brisées, qui se tient à la Cité Miroir au mois d’avril. Le collectif Queer Code nous y invite à suivre les trajectoires de femmes déportées pendant la Seconde guerre mondiale pour avoir aimé d’autres femmes. L’exposition participative de mars à la MAC nous permettra de nous souvenir de toutes ces femmes, illustres ou inconnues, qui ont compté pour nous et de partager leur parcours. Il y sera également possible de (re)découvrir une excellente émission sur le Paris des années folles et les initiatives lesbiennes qui s’y sont déployées. Enfin, la projection de The Archivettes, le 6 mars, nous amènera à nous intéresser à la mémoire lesbienne et de réfléchir ensemble aux moyens de lutter contre notre talon d’Achille : l’absence de mémoire collective lesbienne et l’invisibilisation qui en découle.

Force est de constater que les associations, collectifs et personnes LGBTQIA+ ont souvent été les fers de lance des combats pour l’égalité des droits. La convergence des luttes, la conservation de nos mémoires collectives sont les clés qui nous permettront d’avancer, ensemble, vers un monde véritablement inclusif.

■ Valérie Gielen,
Administratrice