Édito | Novembre 2012

Le week-end des 13 et 14 octobre derniers, à l’occasion de l’Automne gay, Alliàge a eu la joie et l’honneur de recevoir Sœur Salem, Sœur Lyric et Lydie, leur ange, représentantes des Sœurs de la Perpétuelle Indulgence. Outre leur présence à notre Tea Dance, elles nous ont présenté, le samedi soir, un film retraçant l’histoire de leur association et présentant leur action au quotidien.

Il est vrai, je dois bien l’avouer, que, en dehors de l’aspect folklorique et haut en couleurs de leur costume et leur participation à divers événements, je n’en connaissais pas grand chose… comme pas mal de personne dans la salle ce soir-là, d’ailleurs. J’ai été particulièrement intéressé, interpellé et ému par ce que j’ai eu l’occasion de découvrir, notamment le sérieux et la profondeur de l’engagement des Sœurs dans leur association. J’ai vraiment eu le sentiment de rentrer avec, comme on dit, “un petit quelque-chose en plus”. C’est pourquoi, j’aimerais vous présenter cet ordre incroyable et chatoyant.

Une histoire …

Les Soeurs de la Perpétuelle Indulgence sont nées en 1979 à San Francisco. Tout a démarré par un pari que se sont lancés quatre amis un jour de Samedi Saint où ils ont revêtu les robes authentiques de nonnes héritées quelque temps auparavant d’un véritable couvent et se sont armés de mitraillettes en plastique rose. Harnachés de la sorte, ils ont débarqué dans Castro, la Mecque gay et lesbienne de San Francisco où ils ont remporté immédiatement un vif succès Très vite de nombreuses personnes les ont entourés et ont commencé à se confier. C’est ainsi que, dès le départ, la notion d’écoute, inhérente à toutes leurs actions, était présente.

Cette première incursion fera tache d’huile : il y en aura d’autres et, un an plus tard, l’association a été légalement créée. Dès 1981, avec l’apparition du Sida, leur action a pris un sens supplémentaire. Les Soeurs de la Perpétuelle Indulgence seront les premières au monde, dès 1982, à défendre et mettre en avant le sexe sans risque. Plutôt que d’interdire l’amour physique, elles ont voulu promouvoir l’amour heureux, l’amour libre, l’amour qui se fonde sur le respect de soi et sur celui de ses partenaires.

L’Ordre a commencé très rapidement à se répandre sur la planète entière (Grande-Bretagne, Canada, Australie, Amérique du Sud, Irlande du Nord…). Plus près de nous, c’est en 1990 que l’Odre est apparu en France, avec la création du Couvent de Paris.

Ces “nonnes du XXIème siècle”, comme elles se décrivent parfois, sont toutes bénévoles. Même si l’Ordre utilise l’image et l’habit des religieuses catholiques de façon, il est vrai, festive et théâtralisée et qu’il en reprend également le champ lexical, il n’est en aucun cas un ordre religieux. Des actions …Partout, les Soeurs font voeu d’aider leur communauté et la société entière, de lutter contre les exclusions, de prôner la tolérance, l’écoute sans jugement, la non-violence et la paix. Les soeurs militent contre l’homophobie, le Sida, par l’accompagnement des malades et par de nombreuses actions de sensibilisation et de prévention sur les infections sexuellement transmissibles et le VIH (la bénédiction des distributeurs de préservatifs, par exemple, ne passe jamais inaperçue). Dans le milieu gay, elles font leur apparition partout là où elles jugent que leur présence sera utile, nécessaire et aura un véritable sens (comme elles aiment à le répéter, elles ne se déplacent pas pour faire uniquement joli) : associations, bars, boîtes, saunas, parcs, aires d’autoroute, plages, Gay Pride, fesival Solidays….

Leurs sorties dans le milieu sont régulièrement couplées avec ce qu’elles appellent “faire le trottoir” : elles se promènent dans la rue et s’arrêtent au gré des rencontres pour discuter avec les passants.

L’une des actions importantes des Soeurs de France consiste en l’organisation de séjours de ressourcement organisés deux ou trois fois par an, dans le cadre de leur voeu de lutte contre le Sida et en application du principe mis en évidence par Daniel Defert, le fondateur de AIDES : “La question du Sida ne peut pas être plus longtemps confinée comme une question médicale”. Ces séjours non médicalisés sont destinés à accueillir des personnes concernées directement ou indirectement par le VIH et ont lieu dans des structures hôtelières situées dans un cadre naturel agréable et propice au ressourcement. Le but de ceux-ci est bien d’apporter du bien-être et de revaloriser l’estime de soi pour des personnes en souffrance (maladies, deuils, non acceptation de son homosexualité ou de sa séropositivité…). Les intervenants sont là pour les encadrer et les animer avec, pour mots d’ordre, l’écoute, la follitude et la bonne humeur : ateliers randonnées, massages, sauna, relaxation, expression corporelle, groupes de paroles, ateliers d’écriture, soirées festives…

Les Soeurs de la Perpétuelle Indulgence se veulent à tout prix visibles, outrageantes et même provocantes car elles pensent sincèrement qu’il est parfois nécessaire de choquer pour faire réfléchir et changer les habitudes… mais elles le font toujours dans la joie et dans un véritable et éternel esprit de fête.

De plus, les Soeurs remarquent très régulièrement que le costume permet aux personnes rencontrées de se confier beaucoup plus facilement.

Enfin, Elles attachent également une très grande importance au droit et au devoir de mémoire : ainsi, très régulièrement sont nommés, une par une, lors de cérémonies très émouvantes, les victimes de l’homophobie et du Sida. Un parcours… Avant de devenir pleinement Soeur de la Perpétuelle Indulgence et de mériter ce titre, un parcours bien défini, qui peut être long ou court en fonction des individus (souvent au moins un an), doit être suivi.

La personne souhaitant devenir Soeur est d’abord Postulante; sans costume, ni maquillage, elle observe les Soeurs en action, discute avec elles de leur travail et apprend à connaître leur mode de fonctionnement (leurs messages, leurs codes, leurs voeux, le contact avec le public et les médias, la découverte et l’estime de l’ensemble des membres du Couvent…). Elle est secondée par une marraine qui l’aidera tout au long de son apprentissage. Lors des sorties ou autres actions face au public, les Postulantes doivent observer un droit de réserve, ne peuvent en aucun cas engager la parole du Couvent et ne doivent pas se prononcer face aux médias.

Un jour, la Postulante devient Novice et prononce ses voeux. Elle peut dès lors se maquiller, élaborer à ses frais son costume et porter la coiffe des Novices, un voile blanc. Les règles du Postulat s’appliquent au Noviciat lors des sorties et des actions face au public et aux médias.

Enfin, par une nuit de pleine lune, durant une action, au milieu de la foule, la Novice est élevée Soeur de la Perpétuelle Indulgence. Elle peut porter dorénavant la coiffe du Couvent.

Il est à noter que toutes les décisions sont prises grâce à un vote à main levée et par l’ensemble des membres de l’association lors des Chapitres (les réunions ordinaires et régulières d’un Couvent), des Conciles (les assemblées fermées, réservées aux membres de l’association et consacrées à la réflexion approfondie sur un thème précis) ou des Conclaves (réunions où sont présents l’ensemble des membres des Couvents de France, par exemple, ou des autres pays).

Je ne pourrais pas clôturer cet édito sans remercier une fois encore Soeur Salem, Soeur Lyric et Lydie pour leur humanité, leur écoute, leur disponibilité, les combats qu’elles mènent avec enthousiasme et détermination et les très beaux moments qu’elles nous ont permis de vivre durant ces deux jours.
A bientôt, je l’espère de tout coeur, pour de nouvelles collaborations !

Jean-François Pondant, Président.