Édito | Novembre 2016 – Des anti-genre en Belgique ?

Leur rhétorique est bien rôdée. Et ils se mobilisent pour la présidentielle en France. La Manif pour Tous et leurs amis ont ressorti leurs calicots et leurs inénarrables slogans à Paris le 16 octobre dernier. 1 père + 1 mère, c’est élémentaire. Pas d’ovule dans les testicules. La France a besoin d’enfants, pas d’homosexuels. Et on en passe et des meilleurs.

Ces groupements bien structurés (et bien financés) en France qui conçoivent que l’altérité s’inscrit avant tout dans la différence des sexes, ont-ils leurs alter égo de ce côté-ci des Ardennes ?

Il est certains qu’ils ont en tous cas leurs partisans. Lorsque la Ministre des Droits des Femmes de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Isabelle Simonis, a proposé la mixité des cours d’éducation physique le 4 octobre dernier, les réactions ne se sont pas fait attendre. Ce n’est pas tant qu’on soit favorable ou défavorable à cette idée, mais plutôt les arguments avancés qui, dans certains cas, entraient en résonnance avec le débat français.

Pour autant, le niveau de mobilisation ne semble pas atteindre les mêmes sommets chez nous.

Ces dernières années, deux organismes se sont néanmoins fait remarquer.

Dans les années 2000, au plus fort des débats sur l’ouverture du mariage et l’adoption chez nous, on se rappelle la pétition, lancée par Action pour la famille. Le texte reprenait les arguments traditionnels (et traditionnalistes) : il n’existe pas de droit a` adopter. Il existe seulement une procédure d’adoption en faveur de l’enfant qui a le droit d’être élevé dans une famille, en bénéficiant d’une filiation officielle, ou` les références maternelle et paternelle sont assurées. Ceci permet a` l’enfant de grandir dans un environnement le plus équilibré possible en faveur de son développement affectif, psychologique et social.

L’altérité des sexes est donc conçue comme fondatrice de l’équilibre affectif, psychologique et social.

Le texte a tout de même récolté 23.684 signatures. Et on notera également que, dans le comité de soutien de l’association, on retrouve la 1ère échevine de Namur déléguée aux compétences mayorales et en charge de l’état civil, Anne Barzin.

Plus récemment, c’est le Groupe Croissance qui a fait l’actualité. Parmi les représentants de l’organisation, Bénédicte De Wager-Gillis qui est également fondatrice du blog Youth & Love. Selon le Vif du 7 octobre 2016, cette animatrice EVRAS se positionne clairement en faveur de la Manif pour Tous et de l’Institut de bioéthique européen, lobby anti-avortement auprès des institutions européennes. Car la convergence des luttes conservatrices est celle-là : on est contre l’adoption par des couples homos, et on est contre l’avortement. Parce qu’on est pour la vie et l’altérité des sexes (une opportunité pour la convergence des mouvements LGBT et féministes ?).

Notons que le Groupe Croissance a tout de même touché 3.730 élèves en un an… et qu’une mission “d’information” à propos du contenu des interventions de l’organisme est en cours.

On le voit, si nous ne faisons pas face à des super structures comme on les observe en France (ou en Italie notamment), la Belgique francophone compte tout de même son lot de réactionnaires qui s’appuient sur le primat que seul le couple d’hétéro est capable de procréer. Et que l’autre ne peut être que de sexe différent. Un peu comme si les couples homos n’étaient que des paires de mêmes. Et un peu comme si les femmes étaient avant tout performantes dans leur rôle de mère.

Vincent Bonhomme