Édito | Novembre 2018

Plaidoyer pour une HistoireS trans

Il semble qu’il n’y a pas une semaine qui ne se passe sans que Trump et son administration ne s’en prennent à une minorité. Après avoir tenté de bannir les trans* de l’armée, une note interne révèle la volonté des pouvoirs publics de créer une définition stricte du genre, masculin ou féminin, déterminé de manière définitive à la naissance. Une législation qui rendrait la reconnaissance des personnes trans* impossible. En Europe, la situation n’est pas tellement plus glorieuse.

En France, une prostituée trans* , Vanessa Campos, a été assassinée à Paris. En Belgique, malgré une avancée législative importante au début de l’année, les obstacles restent nombreux pour une personne trans* qui souhaite auto-déterminer son genre.

La sortie de Girl aura aussi beaucoup marqué les esprits, positivement pour un large public cisgenre, hélas inconscient du ressenti négatif des personnes trans*, premières concernées par le sujet du film. Le timing d’une petite conférence sur les transidentités que nous préparions depuis quelques mois ne pouvait pas mieux tomber. Et c’est pour cela que nous avons voulu donner la parole, dans la seconde partie de cet édito à Héloïse Guimin- Fati, qui présentera cette conférence.

Jean-Pierre Frisée

En février 2017, sous la direction de Christine Bard, parait le « Dictionnaire des féministes ; France XVIIIe -XXIe siècle », avec des entrées pour Karine Espineira, Maud-Yeuse Thomas, le transféminisme et la transidentité. En 2003, sous la direction de Didier Eribon parut le « Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes ». En 1992, Jonathan Katz ré-édite la quatrième version de son « Gay American History: Lesbians and Gay Men in the U.S.A. », où l’analyse des « Berdaches » sera jugée, à raison, comme problématique. Mais qu’en est-il de l’Histoire trans ? Non pas des trans*, non pas une Histoire écrite sur les personnes transgenres, d’un stand-point hors de leurs expériences et de leurs constructions ? Mais d’une HistoireS qu’ils auraient elleux-mêmes écrite car vécue.

Pour se construire individuellement et collectivement cette HistoireS, les personnes trans sont obligées de piocher ici et là ; des articles solitaires, des pages Wikipédia, des chapitres dans des livres parfois écris à charge de leurs existences et de leurs droits et, quelques rares perles comme : « Le mouvement transgenre », de Pat Califia, « Transgender History », de Susan Stryker ou « La transyclopédie », dirigée par K. Espineira, M-Y Thomas et A. Alessandrin. ObligéEs de rejouer l’Année Zéro de leur Histoire avec comme date butoir 1860 et l’établissement d’une typologie des comportements homosexuels par C.H. Ulrichs, lui-même travesti, qui créera le terme d’ « uraniste » pour désigner les personnes « qui ont, de façon congénitale, une âme de femme dans un corps d’homme », ce « verrou travesti », selon moi, fait obstacle à « notre capacité à nous écrire, à avoir accès à nos racines et à nous raconter en-dehors des normes imposées par la société cisgenre ». C’est donc d’un plaidoyer dont je vous parlerai lors de la conférence du 10 novembre à la Maison Arcen- Ciel et d’horizons qui dépassent les productions médiatiques, les normes de genre à reproduire et l’invisibilisation dans un modèle socio- médicalement hérité. « Sans culture, ni HistoireS, nos droits et fiertés sont fragiles. »

Héloïse Guimin – Fati
Observatoire des transidentités