Édito | Septembre 2005

Une plateforme revendicative relative à la proposition de loi ouvrant l’adoption aux couples de même sexe a été rédigée en commun, sous forme de lettre ouverte adressée au Parlement, par la Maison Arc-en-Ciel de Bruxelles,La FAGL et Tels Quels asbl. Alliàge, en tant que membre de la FAGL, s’inscrit également dans cette initiative. Nous vous invitons dès lors à soutenir cette action en signant la plateforme. Elle est accessible sur le site de la MAC de Bruxelles. Il n’existe mal heureusement pas de solution alternative à Internet. Voici le texte intégral de cette plateforme:

L’adoption par les couples gays et lesbiens ou le droit pour leurs enfants d’avoir deux parents.

À l’heure où la Chambre va entamer la discussion sur la proposition de loi ouvrant le droit à l’adoption aux couples gays et lesbiens,

Nous, signataires de cette lettre ouverte,

rappelons que cette proposition de loi n’ouvre pas le droit à la parentalité aux gays et aux lesbiennes, puisque cette parentalité existe déjà dans les faits et que beaucoup d’enfants sont élevés par des gays et des lesbiennes, mais qu’elle renforce les droits de ces enfants ;

observons qu’il existe des enfants de gays et de lesbiennes de tous les âges qui ont fait l’objet de nombreuses études et qui ne montrent aucun signe particulier dû à leur parenté ;

dénonçons les discriminations dont sont victimes les enfants élevés par ces couples auxquels la loi refuse le droit d’être reconnus par leurs deux parents, ce qui les discrimine dans leur quotidien où un seul de leurs parents est habilité à décider de leur devenir, mais aussi dans tous les droits liés à la filiation (droit d’héritage, droits alimentaires…) ;

entendons les craintes que ces enfants vivent dans un climat potentiellement homophobe, mais rappelons que la meilleure façon de les entourer est de lutter contre l’homophobie, notamment à l’école, est de reconnaître publiquement que l’orientation sexuelle n’a pas d’incidences sur les qualités éducatives des parents, tout en rappelant les droits et devoirs que les couples gays et les- biens ont par rapport à leurs enfants ;

soulignons que l’adoption est loin d’être une façon facile et automatique d’exercer un soi-disant droit à l’enfant mais une démarche réfléchie, longue et légalement en- cadrée, visant à fonder une famille et à offrir à l’enfant le meilleur cadre de vie possible ;

remarquons que les propositions de loi qui veulent régler la situation juridique de ces enfants sans passer par l’adoption, sont inutilement compliquées, alors que la proposition de loi ouvrant l’adoption aux couples de même sexe est celle qui garantit le mieux une égalité entre les enfants élevés dans ces familles et ceux élevés dans d’autres cadres familiaux ;

demandons dès lors au Parlement de voter sans tarder cette loi et de mettre fin aux discriminations qui frappent aujourd’hui les enfants élevés par des gays ou des lesbiennes.

Maison Arc-en-Ciel de Bruxelles – Chille Deman, Président
FAGL – Dominique Delrez, Président
Tels Quels – Guy Moins, Président

Parallèlement à cette démarche, nos amis flamands de la HolebiFederatie ont eux aussi écrit une lettre ouverte, dont voici la traduction :

Adoption par les couples de même sexe : un débat plein d’opinions erronées

Le débat au sujet de l’ouverture de l’adoption aux couples de même sexe fait rage. Mais cela ne va pas sans confusion. On affirme parfois que le combat pour l’adoption est une lutte purement symbolique pour des droits égaux. Cela n’est pas exact. La parentalité des lesbiennes et des gays est une réalité sociale : en Belgique, des centaines d’enfants grandissent dans une famille homo- parentale. Il s’agit le plus souvent d’enfants nés dans une famille lesbienne, après insémination artificielle avec donneur de sperme anonyme. Dans de telles familles, la deuxième mère n’a pratiquement pas de devoirs et de droits face à l’enfant. Elle n’a par exemple aucun droit de décision quant à l’enseignement à suivre par l’enfant, ou sur les questions médicales… En fait, la mère n’est pas responsable de l’enfant. Elle ne doit pas non plus payer d’argent pour l’entretien de l’enfant, pas de pension alimentaire. Entre la mère et l’enfant aucun droit successoral automatique n’existe. Si les deux femmes se séparent, parfois la mère non biologique n’aura plus l’occasion de voir l’enfant ; elle n’ob- tiendra que très difficilement un droit de visite. Quand l’enfant est bébé, la compagne ou l’épouse de la mère n’a pas de droit au congé parental. Mais, assez cyniquement, on tient compte de sa présence lorsque la crèche calcule les revenus des parents pour évaluer la contribution à payer pour l’enfant… Alors, là, oui, on se souvient que cet enfant a deux mamans! Et – encore plus cynique – c’est seulement après le décès de la mère juridique que la deuxième mère peut obtenir une re- connaissance juridique, si elle a été indiquée en tant que tuteur testamentaire. Pour toutes ces raisons, donner à la deuxième mère la possibilité d’adopter l’enfant par le moyen de la co-adoption est ici la meilleure solution. L’enfant obtient deux parents à part entière et la deuxième mère obtient les devoirs et les droits à part entière vis-à-vis de l’enfant. Une autre interprétation erronée de la problématique que l’on rencontre souvent est celle qui consiste à dire que deux hommes souhaitant un enfant n’auront qu’à se précipiter vers un organisme d’adoption ou s’adresser à une mère porteuse pour “obtenir” un enfant. L’adoption est toujours soumise à une procédure sévère. Il y a une phase de préparation, une enquête sociale approfondie a lieu, puis le Juge de la Jeunesse se prononce. L’adoption n’est donc en aucune manière inspirée uniquement par la réalisation rapide d’un souhait d’avoir des enfants, mais bien une mesure de protection de l’intérêt de l’enfant. L’adoption par un parent seul est d’ailleurs possible en Belgique, un homme gay peut donc adopter un enfant. Si le but est d’élever un enfant à deux, il est toutefois possible que les deux hommes s’impliquent dans la procédure, et de leur donner à tous deux des devoirs et des droits à part entière vis-à-vis de l’enfant. Il n’est pas exact non plus qu’aucun pays étranger ne veut céder d’enfants à l’adoption par des couples de même sexe. Chaque pays est libre. Le traité d’adoption de La Haye admet les accords bilatéraux et prévoit que les pays d’origine peuvent évaluer au cas par cas. De moins en moins de pays font montre de réticences. En Europe, la Suède, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Islande, le Danemark (et bientôt l’Espagne) reconnais- sent la co-adoption ou l’adoption par les couples de même sexe. On entend souvent dire aussi qu’il y a très peu de recherches sur l’homoparentalité. C’est une autre opinion non fondée. Des études et thèses de doctorat récentes, entre autres de Nadaud, Bos, Vanfraussen, de Kanter et Brewaeys montrent qu’un enfant peut grandir très harmonieusement dans une famille homoparentale. Mais ici on voit les opposants à l’adoption installer un cercle vicieux : interdire aux couples de même sexe d’avoir l’occasion d’élever ensemble des enfants, c’est empêcher que l’on puisse montrer que cette éducation se passe bien. Une dernière opinion erronée est que la fa- mille homoparentale serait isolée et ne bénéficierait d’aucun soutien social. Une en- quête du “Morgen” a récemment encore montré que 37% des Belges trouvent que les gays et lesbiennes DOIVENT pouvoir adopter, tandis que 32% seulement sont contre. Une majorité des Belges est favorable à l’adoption par les couples homosexuels. Les États Généraux des Familles et le Centre pour l’Égalité des Chances et la Lutte contre le Racisme sont pour l’ouverture de l’adoption. Le parlement flamand a déposé une proposition pour l’adoption par des couples homo- sexuels. Même les services d’adoption flamands reconnus sont pour ! Pour un enfant, il est important de grandir dans un entourage où il bénéficie de l’amour, de la chaleur, des soins et de l’attention aux- quels il a droit. Le législateur ne doit pas fermer les yeux sur une réalité sociale, et doit prendre ses responsabilités.

Aussi, les enfants de parents homosexuels ont droit à avoir un lien juridique à part entière avec les deux adultes qui les éduquent. L’ouverture de l’adoption est pour cela le moyen le plus approprié.

(Michel Thomé)

Sources : www.rainbowhouse.be, www.holebifederatie.be