Édito | Septembre 2015

En une soixantaine d’années, le mouvement LGBT est passé de la clandestinité presque complète à une organisation publique et structurée. La prochaine étape de cette structuration, en Belgique francophone, sera la reconnaissance des maisons arc-en-ciel par la Région wallonne dès 2016 (le calendrier est désormais confirmé), soit deux ans après la reconnaissance de la fédération homo-étudiante – les CHEFF – en organisation de jeunesse. Notre fédération, Arc-en-Ciel Wallonie, devrait, elle-aussi, bénéficier d’une reconnaissance dès l’année prochaine. Ce mouvement d’institutionnalisation de l’associatif LGBT marque une nouvelle étape dans nos relations avec les pouvoirs publics. Cette forme de contrat social s’apparente à un mandat dont les missions sont inscrites noir sur blanc dans les nouvelles dispositions décrétales wallonnes et avec lequel nous devrons désormais composer.

Composer est bien le terme. En effet, outre que nous remplissons déjà, au quotidien, la plupart des missions prévues par le décret, il n’en reste pas moins que ces nouvelles opportunités financières vont de pair avec un accroissement de la charge administrative, ainsi qu’avec un contrôle accru de nos actions par les pouvoirs publics.

Comment dès lors éviter au mieux le conformisme imposé de facto par l’agrément des maisons arc-en-ciel et conserver au mieux notre capacité de création et de liberté ?

Le défi qui est devant nous consiste donc en un réenchantement de notre capacité de subversion des normes hétéro-patriarcales qui gouvernent encore trop souvent nos corps tout en s’accommodant d’un cadre plus rigide. En d’autres termes, il nous faudra jongler avec notre volonté historique de déconstruire et mettre en lumière les pouvoirs qui contraignent les hommes et les femmes à respecter les canons de la masculinité et de la féminité, ainsi que les carcans qui contraignent les relations amicales et amoureuses, tout en remplissant nos missions d’aide aux personnes LGBT.

C’est un exercice d’équilibriste auquel nous sommes déjà habitués, mais qu’il faudra appréhender avec encore plus d’acuité à l’avenir.

Nous y sommes habitués car nous avons déjà eu à réguler certaines contradictions apparentes lors du combat pour l’ouverture du mariage aux homos. Certains n’y voyaient qu’une soumission à l’ordre bourgeois, là où d’autres y percevaient une plus-value pédagogique qui s’inscrivait dans une institution qui n’était déjà plus patriarcale.

Le relatif succès du mariage homo (et de la cohabitation légale) a montré que cette modification du code civil était attendue par de nombreux couples et que le mariage tel qu’il était vécu par nos grands-parents a désormais vécu. Bien sûr, on doit toujours se jurer fidélité, mais il faut admettre que cette disposition légale est souvent accueillie avec beaucoup d’humour par les personnes concernées et que la capacité d’inventer de nouvelles formes de relations humaines n’a pas été écornée par l’ouverture du mariage (peut-être cette capacité est-elle mise à mal ces dernières décennies, mais faire le lien avec l’ouverture du mariage parait assez hypothétique).

Voici donc notre aptitude à créer des espaces de liberté pour nos corps une nouvelle fois mise en jeu. La Maison Arc-en-Ciel de Liège – Alliàge a toujours été un de ces espaces, par la culture, par la convivialité, par l’extraordinaire hétérogénéité de nos publics (au travers de nos différentes activités), par le travail de nos accueillants et de notre équipe de travailleurs.

Vincent Bonhomme