Édito | Septembre 2016

Il est de moins en moins rare d’entendre des gens nous dire « mais pourquoi se battre encore ? Nous avons déjà tout ! » ou encore « être gay/lesbienne aujourd’hui ça ne pose plus de problème ». Cet été a pourtant été pour moi une douloureuse prise de conscience. Tout d’abord les regards, les regards de ces gens parfois même très jeunes qui nous auscultaient d’un air désapprobateur. Ensuite les remarques « pire que des filles », « regarde-les ! Si c’est pas des homos ça », « allez, allez on se serre bien comme des PD » et bien d’autres encore. Et puis vient l’inconfort, celui de ne plus être aussi convaincu que tous les combats étaient gagnés. L’inconfort de marcher seul en ville en se demandant « va-t-il m’arriver quelque chose ? ». Le désagréable sentiment de se sentir différent et de voir que ça pose un problème. J’entends déjà venir les commentaires, il devait-être en vacance dans un pays exotique. Non, en France. Mais ça pourrait tout aussi bien être en Belgique. Chez nous.

Alors on se souvient de ces articles que l’on a lus au fil des murs Facebook ou ailleurs. Là un jeune Français agressé parce qu’il était gay. Ou cet autre « Se balader main dans la main avec son copain gay à Bruxelles ? Maintenant, on évite ». On se souvient aussi de ces milliers de gens qui marchaient dans les rues françaises en brandissant des cocardes et des drapeaux marqués de propos très clairement homophobes et haineux. On se souvient aussi d’Ihsane Jarfi… Mais alors, l’homophobie fait elle son grand retour ? Ou n’a-t-elle jamais quitté nos rues… Pourquoi plus maintenant qu’hier ? Pourquoi la remarque-t-on ? Et si tout simplement, ils osaient plus aujourd’hui qu’hier. Peut-être est-il plus acceptable de tenir de tels propos aujourd’hui. En fait, depuis longtemps, jamais les discours haineux n’ont été aussi décomplexés. Homophobie banalisée, transphobie légale, xénophobie revendiquée, racisme acceptable, sexisme larvé, tant de maux qui enlaidissent notre société.

On vit une époque de transition. De nombreux combats ont été gagnés, c’est vrai. C’est vrai que la Belgique fait partie du top trois des pays les plus avancés en termes de droit LGBT. Mais on le sait, la société est complexe et faites de femmes et d’hommes qui ne changent pas aussi vite que le code civil. Nous vivons une période de confusion et de remous politiques, économiques et sociaux qui apportent leur lot de conservatisme. Donc même si la loi est avec nous, l’homophobie et la haine font encore bien partie de notre société. Il existe des lieux où être homosexuel est très difficile. Il existe des secteurs entiers de l’industrie notamment où être (ouvertement) homosexuel ou lesbienne est inenvisageable. Etre la « tapette » ou le « garçon manqué » de l’école est toujours source de pénibles moqueries.

Face au repli sur soi, face à l’obscurantisme et à l’intolérance nous devons nous dresser. Nous devons faire front contre toutes les formes de discrimination qu’elles soient homophobes, racistes ou sexistes. Nous avons, aujourd’hui peut-être plus que jamais, le devoir de veiller à ce que la société reste celle que nous avons choisie. Notre association, comme de nombreuses autres en Europe et dans le monde est un lieu de tolérance et d’ouverture. Comme de nombreuses autres, nous formons un rempart contre la bêtise et l’horreur de la haine. La haine de l’autre qu’il soit homosexuel, lesbienne, bi-, trans-, noir, blanc, jaune, autiste ou handicapé. Il faut que notre ville, notre pays, que l’Europe sortent grandis de la période de crise que nous traversons. C’est pour cela que nous nous battons. C’est pour ça que nous participons à la Gay Pride. C’est pour ça que la Maison Arc-en-Ciel de Liège – Alliàge existe. C’est pour ça que nous organisons des activités tout au long de l’année. Repas, concerts, pièce de théâtre, vernissage ou tea dance sont là pour vous, membre de l’association mais aussi pour eux… Tous ces autres. Parce que tout n’est pas gagné, parce que le combat pour une société plus juste doit se poursuivre.

Cyrille Prestianni