Édito | Avril 2010

La nomination de Monseigneur Léonard, le 18 janvier dernier, à l’archevêché de Bruxelles-Malines n’a pas manqué de faire couler beaucoup d’encre et de provoquer un certain nombre de débats et polémiques.

André-Joseph Léonard (il vient de remplacer « Mutien » par « Joseph », saint patron de la Belgique), en effet, s’est toujours fait l’apôtre d’un catholicisme pur et dur ancré dans la tradition et le chef de file du courant qui déplore les « excès » rénovateurs hérités du concile Vatican II. Il incarne, en effet, plus que d’autres, la ligne vaticane actuelle et son élévation au rang, qui est le sien maintenant, confirme la cohérence de la politique des nominations dans l’Eglise. Cette « élévation » de Monseigneur Léonard apparaît dès lors comme un désaveu de la voie plus centriste défendue par Monseigneur Danneels.

Intelligent, bon débatteur, polyglotte, courageux, boute-en-train voire gouailleur, Monseigneur Léonard n’est pas sans qualité. Toutefois, le rayonnement de l’homme fait peur tant il ne mâche pas ses mots pour rappeler ce qu’est la doctrine de l’Eglise, au risque de semer le trouble parmi le « peuple de Dieu ». Les propos du prélat condamnant, entre autres, l’avortement, l’euthanasie, le mariage homosexuel ou l’interruption de grossesse ont indigné ou embarrassé bon nombre de Belges, croyants ou non. Il n’a pas hésité à dire tout le mal qu’il pensait de certaines lois adoptées par le Parlement (ce qui, d’ailleurs, a procuré l’occasion à la Vice-Première ministre, Laurette Onkelinx, de rappeler que les Eglises n’avaient pas à intervenir dans les grands débats de société). Ses déclarations fracassantes ont élargi le fossé entre les chrétiens conservateurs et ceux qui adoptent des positions plus ouvertes en matières religieuse, éthique et/ou morale.

Monseigneur Léonard n’a pas dû attendre bien longtemps pour faire à nouveau parler de lui. Dans l’émission « Mise au point » du 24 janvier, il n’a pas hésité à comparer l’homosexualité à l’anorexie en laissant entendre ainsi que l’homosexualité était une maladie. Il faut ici rappeler une interview accordée, il y a un peu plus de deux ans, au magazine Télémoustique dans laquelle il n’y allait pas par quatre chemins et qui se résumait par : « L’euthanasie ? Inutile. L’avortement ? Antidémocratique. Les gays ? Anormaux. Le préservatif ? Poreux. »

Petit relevé de quelques-unes de ses prises de positions et de ses tonitruantes sorties médiatiques :
L’homosexualité. En juin 2008, la chambre du conseil de Namur prononce un non-lieu à son avantage, alors qu’il est poursuivi pour avoir proféré des propos homophobes, dans l’hebdomadaire Télémoustique, en 2007. Il s’était déjà exprimé sur le sujet, dans le livre d’entretiens que lui a consacré Louis Mathoux, en 2006 : « On présente toutes les formes de sexualité comme étant simplement des variantes équivalentes. Or l’homosexualité est une forme de la sexualité humaine qui a mal évolué. Elle est contraire au sens profond de la sexualité, tant sur le plan biologique que sur les plans psychologique et spirituel. »

Le prélat prétend s’en prendre à un comportement, pas aux personnes… Un peu court, aux yeux du Centre pour l’égalité des chances, qui estime que « ce type de discours est dangereux, car il peut entretenir l’idée pernicieuse qu’il est légitime de discriminer les personnes homosexuelles ».

Dans son interview à Télémoustique, l’évêque de Namur faisait aussi référence aux gay prides, estimant que « la promotion de l’homosexualité au travers des gay prides signe le retour à l’Antiquité gréco-romaine ».

S’exprimant sur le mariage des homosexuels, Mgr Léonard affirmait encore que « le mariage est, par définition, l’union stable entre un homme et une femme ». Il préconise dès lors de pas utiliser le terme de « mariage » pour les unions homosexuelles. « Un pics, un pacs, un pucs… tout ce que vous voulez mais pas mariage », disait-il.

Préservatifs. L’évêque namurois persiste à prétendre que le préservatif, par l’effet cumulé de sa mauvaise utilisation et de sa prétendue perméabilité, souffre d’un taux d’échec moyen de 10 %. Ce qui, aux yeux du prélat, revient, pour ceux qui utilisent le préservatif, « à jouer à la roulette russe »… André-Mutien Léonard, à l’époque, n’hésite d’ailleurs pas à voir dans l’épidémie de sida « une sorte de justice immanente (…). Quand on malmène l’amour humain, peut-être finit-il par se venger » (sic)…

L’euthanasie. Là encore, le prélat se montre sûr de lui, avançant, sans apporter d’éléments probants, qu’ »actuellement, les soins palliatifs permettent de répondre à 95 %, voire 100 % des souhaits de mourir confortablement ».

L’euthanasie, en somme, serait inutile. Avortement. L’évêque namurois conteste le principe même du droit des élus à légiférer en cette matière : « Un parlement (…) n’a pas autorité sur le sens métaphysique et biologique de la sexualité. » Là encore, le prélat assène sa vérité « scientifique », estimant qu’ »aujourd’hui, 95 % des avortements peuvent être qualifiés de convenance ».

Il précise même, dans le livre de Louis Mathoux, que l’interdit catholique de l’avortement ne peut souffrir d’exception… Même en cas de viol. Car « il existe de nombreuses familles en Belgique qui sont prêtes à adopter du jour au lendemain un enfant qu’une mère ne pourrait pas garder parce qu’elle le ressentirait psychologiquement comme le fruit d’un viol ».

Fécondation in vitro. Fait sans précédent, en 2007, les spécialistes de la fécondation et des cellules souches, à l’UCL et à la KUL étaient convoqués au Vatican afin de s’expliquer sur leurs pratiques… Membre du pouvoir organisateur de l’UCL, l’évêque n’était manifestement pas étranger à la manœuvre. Il avait annoncé la couleur aux chercheurs dès 2002 : « Quel geste prophétique si une université authentiquement catholique ou humaniste renonçait à la procréation artificielle et promouvait plutôt la recherche en vue de prévenir la stérilité ! Quel sens du progrès scientifique et moral si une telle université renonçait à l’exploitation des cellules souches embryonnaires et au clonage thérapeutique. » …

Monseigneur Léonard, qui a 69 ans, doit néanmoins compter avec le temps. Il sera contraint (comme Monseigneur Danneels en juin 2008) de remettre sa démission au pape à l’âge de 75 ans (en mai 2015). Un « règne » de cinq ans, voire de six ou de sept ans en cas de prolongation, cela semble fort court pour une reprise en main doctrinale et pour parvenir à « resserrer les boulons » en matière de liturgie et de morale, missions apparemment confiées au prélat. Quoiqu’il en soit, restons vigilants !

Jean-François, Président.