Édito | Avril 2011

Alors qu’il y a dix ans, le 1er avril 2001, les premiers mariages homosexuels étaient célébrés aux Pays-Bas et qu’aujourd’hui, ceux-ci sont légalisés en Belgique, en Espagne, au Canada, en Afrique du Sud, en Norvège, en Suède, au Portugal, en Irlande et en Argentine, le président américain a annoncé que le ministère public ne soutiendrait plus une loi réservant le mariage à deux personnes de sexe opposé, au nom de la lutte contre les discriminations. C’est un engagement majeur en faveur des droits des homosexuels. En effet, le ministre américain de la Justice Eric Holder a annoncé, en accord avec Barack Obama, que le ministère public ne défendrait plus la loi qui définit le mariage comme l’union d’un homme et d’une femme, au nom de l’égalité des droits des citoyens. En d’autres termes, le gouvernement estime que la non-discrimination est un droit constitutionnel plus fort que la définition du mariage comme l’union d’un couple hétérosexuel. Si cette déclaration n’oblige pas les juges à reconnaître le droit des homosexuels à se marier, elle pourrait néanmoins accélérer l’évolution de la législation américaine.

A l’heure actuelle, seuls le Connecticut, le Massachusetts, l’Iowa, le New Hampshire, le Vermont et le district de Colombia autorisent le mariage gay. Trente Etats l’interdisent explicitement. Ceci dit, l’Etat américain de l’Iowa pourrait revenir sur sa décision d’autoriser les unions homosexuelles suite à un vote des parlementaires. En avril 2009, la Cour suprême de l’Etat de l’Iowa déclarait anticonstitutionnelle l’interdiction du mariage entre personnes de même sexe, estimant qu’elle contrevenait à l’égalité entre les citoyens.

En un peu moins d’une année, plus de 2000 couples homosexuels s’unirent, représentant plus de 10% des mariages réalisés durant ce laps de temps. Mais cette question, dans un Etat considéré comme très conservateur, a toutefois continué de faire débat, même si les enquêtes d’opinion faisaient état d’une plus grande adhésion des citoyens. Les opposants politiques ont donc tout logiquement décidé de traiter le problème à la source en modifiant la Constitution. Par 62 voix contre 37, les parlementaires de la Chambre basse ont en effet approuvé un amendement établissant que seuls les couples hétérosexuels sont autorisés à conclure un contrat de mariage. Ce vote pourrait donc sonner le glas de l’ouverture réalisée il y a deux ans. Comme quoi, rien n’est jamais définitivement acquis.

La prise de position d’Obama a pris beaucoup de monde de court, même si elle s’inscrit dans un virage amorcé avec l’abrogation récente de la loi « Don’t ask don’t tell », qui interdisait aux militaires de révéler leur homosexualité et qu’elle est la suite heureuse de la campagne « Say I Do » (Dites, je le veux) initiée par l’association Freedom to Mary et soutenue, entre autres, par pas mal de stars en vue. De son propre aveu, le président américain est plus favorable à l’union civile pour les gays qu’au mariage. Mais, confiait-il en décembre, son avis sur le sujet « évolue en permanence ». Visiblement, la position de Barack Obama évolue en même temps que celle de la société, qui est de plus en plus sensible aux discriminations. Il est évident aussi qu’Obama adresse là un message à son électorat, qu’il est accusé d’avoir négligé. Le mariage gay sera sûrement un enjeu de la prochaine présidentielle.

Par contre, chez nos voisins français, Le Conseil constitutionnel a tranché. Celui-ci a réaffirmé l’interdiction du mariage homosexuel conforme à la Constitution. Il en résulte donc – comme la Cour de cassation l’a rappelé le 13 mars 2007 en annulant le mariage homosexuel célébré à Bègles en 2004 par Noël Mamère – que « selon la loi française, le mariage est l’union d’un homme et d’une femme » Seul le Parlement peut maintenant décider d’un éventuel changement dans la législation. Le Conseil des neuf sages, comme on l’appelle, avait été saisi par un couple de femmes pacsées qui souhaitaient que leurs quatre enfants bénéficient d’une meilleure protection juridique. Elles soutenaient que les articles 75 et 144 du code civil, qui encadrent les procédures de mariage en France, étaient contraire à la Constitution. En livrant une fin de non-recevoir à cette démarche, le Conseil constitutionnel renvoie l’affaire aux politiques.

Du côté des mouvements LGBT, Act Up Paris a fustigé la décision qui consiste, selon le groupe, « à se débarrasser de la patate chaude en la renvoyant aux doryphores parlementaires ».

Pourtant, selon un sondage TNS Sofres réalisé pour Canal+, plus de la moitié des Français (58%) se disent favorables au mariage entre homosexuels, contre 45% en 2006. Parmi les soutiens les plus notables : les femmes, qui soutiennent à 63% le mariage gay, les moins de 35 ans (74%) et les sympathisants de gauche (72%). Sur les 35 % d’opposants, les plus farouches se trouvent parmi les plus de 65 ans (62%) et les sympathisants du Front national (56%).

Il est fort à parier que le mariage homosexuel s’invitera également dans la prochaine campagne présidentielle française, à droite comme à gauche.

Jean-François Pondant, Président.