Édito | Août 2011

Quelques lopins de terre.

Il y a un an, jour pour jour, je vous exposais la question que je détestais le plus qu’on me pose (et que je déteste toujours d’ailleurs) tant il m’apparait qu’elle est le fruit d’une myopie sociale extraordinaire. Cette question pose le pourquoi de l’associatif LGBT ? Pourquoi ce militantisme ? Pourquoi cette envie de changer les mentalités ? Et je concluais en rappelant notamment à quel point nos écoles sont dépouillées de toute référence à l’homosexualité (sauf peut-être au bal des rhétos de Saint-Louis dorénavant). Et à quel point il était nécessaire pour tous nos enfants LGBT de pouvoir entrer en contact avec une certaine culture gay, avec tel ou tel bouquin, avec tel ou tel film, avec tel ou tel contenu culturel qui leur permettra de se construire une identité positive. J’avais pris l’image de lopins de terre au milieu d’un marais d’hétérosexisme (je préfère aujourd’hui le terme hétéronormativité).

Et bien, aujourd’hui, un an après ce petit état des lieux des combats qui restent à mener, je vous propose de faire le tour du propriétaire de deux ou trois de ces lopins de terre, de ceux qui m’apparaissent particulièrement encourageant pour l’avenir. Ce sont pour moi des modèles d’inclusion, de ces contenus culturels, commerciaux, ludiques ou informatifs qui promeuvent la déhiérarchisation des orientations sexuelles, l’indifférence face au choix du partenaire d’amour ou de sexe (qui serait situé tout à droite sur l’échelle de l’inclusion).

Commençons par cette publicité pour Gini qui a été placardée sur tous les abris bus de notre cité ardente pendant le mois de juin. Il s’agissait d’une photographie dans les tons de vert et qui mettait en scène un couple, sexy (évidemment, c’est de la pub), lascif, avec une charge sexuelle assez évidente. Trois couples étaient indifféremment représentés sur l’affiche : un couple hétéro, un couple gay et un couple lesbien. D’autres avant cette marque de boisson ont bien entendu joué la carte gay-friendly avec plus ou moins de succès (IKEA, Mac Donald, Virgin, Fortis, ING, Orangina et récemment Dash (et bien d’autres !)). Mais rarement le couple homo n’a été présenté aussi naturellement comme l’un des possibles.

Autre média qui s’adresse également aux jeunes et dont le chiffre d’affaire sectoriel a depuis presque dix ans dépassé le chiffre d’affaire du cinéma aux Etats-Unis, je parle bien entendu de l’industrie vidéo-ludique. Deux titres me viennent à l’esprit lorsque je réfléchis au caractère inclusif de leur contenu. Tout d’abord, il y a les SIMS. Vous connaissez peut-être cette sorte de simulateur de la vie sociale. Il s’agit ni plus ni moins de faire évoluer un ou des personnages dans un environnement tout ce qu’il y a de plus proche de la réalité (ou en tous cas d’une réalité petite bourgeoisie/classe moyenne américaine). Et bien, si vous décidez de faire s’installer ensemble deux femmes dans une maison et que vous vous y prenez bien (elles doivent faire connaissance, s’apprivoiser car dans les SIMS, on ne maîtrise pas vraiment toutes les actions des avatars, c’est une sorte de tamagoshi humain si vous voulez), nos deux amies finiront par être suffisamment en confiance que pour se rouler des galoches à qui mieux mieux, dormir ensemble, manger ensemble et même bénéficier des services de l’organisme d’adoption le plus proche (si elles sont mariées, bien entendu) ! (Idem pour les hommes d’ailleurs). Bref, il n’y a pas d’orientation sexuelle dans les SIMS parce qu’il n’y a pas d’homophobie ni d’hétéronormativité. Et j’aime autant vous dire que les SIMS, qu’on apprécie ou pas, font un tabac auprès des jeunes.

Deuxième jeu qui mérite d’être mentionné, il s’agit de Dragon Age. Des héros (guerriers) évoluent dans un environnement médiéval fantastique enchaînant combats et intrigues dans le plus pur style heroic fantasy… et pourtant, notre héro pourra, entre deux bagarres, s’offrir une ou plusieurs nuits d’amour avec l’un des personnages du jeu (bon, d’accord, c’est un elfe, mais quand même). Ce qui est remarquable, c’est de voir apparaître cette histoire d’amour dans un contexte on ne peut plus viril. Et le jeu, lui aussi, remporte un franc succès auprès du public.

Quittons à présent la sphère vidéo-ludique et tournons-nous vers la sphère médiatique. Nous sommes le 12 juin 2011 à 19h30 sur la RTBF. Et, marronnier oblige, un sujet du JT est consacré à la fête des pères. Et l’angle d’attaque nous intéresse puisque le reportage mentionne un enfant qui a deux papas à fêter ce jour-là. Le choix du journaliste a sans doute été inspiré de l’affaire du petit Samuel (né d’une gestation pour autrui et dans l’impossibilité de quitter le territoire ukrainien pendant quelques mois), mais force est d’admettre qu’évoquer un couple gay dans sa dimension parentale est encourageant (ne serait-ce que par la reconnaissance de la capacité d’un couple gay à éduquer un enfant).

Terminons enfin cet aperçu par tout autre chose. Il s’agit d’une brochure (disponible à la Maison Arc-en-Ciel) éditée par les Mutualités socialistes. Le document s’adresse cette fois au plus de 60 ans et s’intitule « Seniors : le sexe, c’est bon pour la santé ». Je ne résiste pas à partager avec vous l’avertissement au lecteur fait en page 3 de la brochure : « Nous utilisons invariablement le terme « partenaire » au masculin singulier pour désigner chaque personne du couple hétérosexuel ou homosexuel ». Et de fait, dans les pages qui suivent, les explications traitent indifféremment de couples homos ou hétéros, les témoignages relatent des situations de couples gays, lesbiens ou hétéros, bref… un véritable modèle d’inclusion dans un outil adressé aux seniors… on ne peut qu’applaudir des deux mains et en redemander encore pour nos jeunes, pour nous, pour nos parents, nos amis, notre famille… donnez-nous de l’inclusif, faites disparaître cette maudite barrière qui nous sépare des hétéros, laissez chacun se reconnaître dans les contenus que vous proposez… et la partie sera gagnée !

PS : édito résolument positif qui pourra paraître naïf, je vous promets de parler de difficultés, d’homophobie et de confrontations une prochaine fois.

Bonnes vacances à tou-te-s !

Vincent Bonhomme, Trésorier