Édito | Décembre 2011

Comme vous le lirez dans cet Alliàgenda, un certain nombre de manifestations seront organisées ce 1er décembre à l’occasion de la Journée mondiale de la lutte contre le Sida. C’est pour moi l’occasion d’aborder ici deux aspects encore trop peu connus du grand public, deux manières différentes d’aborder la prévention : le Traitement Post-Exposition (TPE) ainsi que la notion de Charge Virale Communautaire (CVC).

Le Traitement Post-Exposition (TPE) est un traitement préventif donné à toute personne ayant été exposée à un risque de transmission du VIH et dont le but est d’éviter une contamination. Il se compose le plus souvent d’une trithérapie antirétrovirale et doit être appliqué le plus rapidement possible, au mieux avant la 4e heure suivant l’exposition et au plus tard dans les 48 premières heures. En effet, quand le VIH rentre dans le système sanguin, il faut un certain temps pour qu’il s’établisse définitivement dans le corps. Si une personne pense qu’elle a été exposée au virus et qu’elle agit rapidement, il y a une chance d’empêcher que le virus s’installe définitivement. Le TPE peut aider le système immunitaire à bloquer la multiplication du virus dans les cellules infectées du corps. Les cellules à l’origine infectées pourraient alors mourir naturellement et rapidement, sans reproduire d’autres copies du virus.

Le TPE réduit le risque de contamination au VIH. Une étude américaine a montré en 1995 une réduction de 80% du risque de transmission pour les personnes exposées à du sang VIH +. Pour la contamination lors de rapports sexuels, les données connues tendent à démontrer une certaine efficacité. Par exemple, une autre étude américaine sur 702 personnes a confirmé l’intérêt d’une prise en charge la plus précoce possible par un traitement antirétroviral. Cependant on constate quelques rares cas de transmission du VIH. Certaines personnes qui prennent un TPE finissent quand même par devenir séropositives. Le TPE peut échouer pour les raisons suivantes :

• Certains traitements n’agissent pas sur certains sous-types de VIH.
• La charge virale (quantité de virus) dans le corps était trop importante.
• Le virus s’est reproduit trop rapidement pour les médicaments ou le système immunitaire.
• Le TPE a été pris trop tard (au-delà des 48 heures).

Attention, le TPE n’est en aucun cas un vaccin. Il n’immunise pas contre le VIH. De plus, ce traitement, s’il est intéressant, n’est pas fiable à 100% et peut être lourd et contraignant; il ne peut donc absolument pas se substituer à l’utilisation du préservatif.

Plus d’informations sur ce sujet sont disponibles auprès des associations œuvrant dans la lutte contre le Sida et auprès des Centres de référence et autre services hospitaliers de dépistage.

La charge virale communautaire (CVC), quant à elle, peut être définie comme la quantité de virus qui circule dans une communauté. Une quantité qui dépend principalement de trois critères : le nombre de personnes qui connaissent leur statut, le nombre de personnes sous traitement, l’efficacité de ce traitement et la qualité du suivi qui déterminent la quantité de virus chez une personne donnée. Cette notion de charge virale communautaire, d’apparition récente, a été discutée à la CROI 2011 (Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections), suite à la publication de spectaculaires résultats à San Francisco. En effet, parallèlement à la baisse de la CVC, les autorités de santé publique y constatent une baisse drastique du nombre de nouvelles contaminations chez les gays.

Cette constatation relance l’idée que la maîtrise de la charge virale est cruciale pour agir sur l’épidémie, d’où l’importance du dépistage. A Washington, par exemple, la prévalence du VIH est estimée à plus de 3 %, voire 5 % dans certains quartiers (un taux équivalent à certains pays d’Afrique). Depuis 2006, une politique de santé très volontariste d’incitation au dépistage a été mise en place. L’étude a rapporté les bénéfices de cette politique. Le nombre de tests a augmenté. Le nombre de diagnostics VIH a augmenté de 17 %. Le taux de personnes dépistées n’allant pas vers les soins dans les douze mois a diminué de 23 %.

Comme cela a été le rappelé à la CROI, « une personne séropositive sous traitement efficace a peu de risque de transmettre le virus. C’est la même chose dans une communauté. Si moins de virus circulent, les risques sont plus faibles ». La CVC semble donc devoir être une notion avec laquelle il faudra désormais compter. Elle est d’autant plus facile à intégrer que la communauté en question vit, a des relations sexuelles, un suivi de sa séropositivité et de son traitement dans la même unité de lieu. Ce qui est globalement le cas pour Castro’Street (gays) et pour Vancouver (usagers de drogues). Deux villes où le concept de CVC a, d’ores et déjà, fait ses preuves. Un tel suivi épidémiologique serait sans doute plus compliqué pour le Marais – où de nombreux gays ne peuvent habiter en raison des sommets atteints par le marché de l’immobilier parisiens – ou la scène gay de Berlin plus ouverte sur les échanges avec le reste du pays ou du monde. De plus, la baisse observée dans le quartier gay de Castro’street s’explique par une réelle volonté politique et par la mobilisation des communautés.

En effet, La ville la plus « rose » des Etats-Unis fait preuve depuis quelques années d’une politique très volontariste en termes d’incitation au dépistage et de mise sous traitement et se base sur une offre globale de prévention avec promotion du préservatif et des autres techniques de réductions de risques. Le principe suivant est également mis en avant : traiter tôt évite de nombreuses complications et augmente l’espérance de vie. De plus, ce mode de fonctionnement est aussi un moyen de changer l’image des séropositifs, de lutter contre leur stigmatisation et de favoriser leur acceptation et … donc la révélation mutuelle des statuts.

Plus proche de chez nous, en France, la population gay est la seule dans laquelle le nombre de nouvelles infections ne diminue pas, quand il n’a pas tendance à monter, au point que l’Institut de veille sanitaire en soit venu à parler d’épidémie hors de contrôle. Or, malgré les excellents résultats thérapeutiques obtenus en France, plus de 83% des personnes vivant avec le VIH pris en charge en France ont une charge virale indétectable. Mais point essentiel, si l’on tient compte des non dépistés et des non suivis (50 000 dans la fourchette haute de la campagne INPES en faveur du dépistage en population générale), c’est 48,5% de charges virales contrôlées. D’où l’importance d’accroître le dépistage, car c’est bien en la matière que les marges de manœuvres sont les plus importantes. Malgré les affichages médiatiques et les objectifs ambitieux du Plan national, certains murmurent que le coût des traitements ne serait pas étranger à l’absence de réelle volonté politique d’accroître le dépistage, par crainte de devoir traiter rapidement ces 50 000 personnes supplémentaires !!!

Jean-François Pondant, Président.