Édito | Juin 2012 – 17 mai : Journée Mondiale de lutte contre l’Homophobie.

Aux quatre coins de la planète, les personnes LGBT sont victimes de discrimination. Dans de nombreux pays (une septantaine), l’homophobie est institutionnalisée. Dans la législation de ces pays (souvent introduite par le pouvoir colonisateur et/ou le pouvoir religieux), l’homosexualité est définie comme “sodomie” ou “relations charnelles contre nature”. Le seul fait d’être homosexuel(le) ou d’être accusé(e) de l’être vous expose à une condamnation. Les sanctions sont variables : humiliation publique ; châtiments corporels (torture, coups de fouets) ; emprisonnement allant au minimum de 3 mois à cinq ans et au maximum de 3 à 25 ans.
Dans 5 pays (Mauritanie, Soudan, Arabie saoudite, Iran, Yémen) ainsi que dans les 12 Etats du nord du Nigeria et dans les parties sud de la Somalie, la sentence est la MORT. Dans ces conditions, la porte est grande ouverte pour toutes les manifestations d’homophobie qui vont jusqu’au meurtre. Par conviction ou par peur de représailles, la famille, les amis, la communauté civile dans son ensemble bannissent (dans le meilleur des cas) ou dénoncent et participent aux attaques “punitives”. Dans la plupart des cas, les faits sont classés sans suite et les victimes (quand elles survivent) n’osent pas porter plainte de peur de se voir condamnées pour homosexualité. Ceci a pour conséquences le déni de soi, le suicide ou l’exil.

La Belgique, que ce soit pour reconnaître les droits des homosexuel(le)s ou pour lutter contre et sanctionner la discrimination sur base de l’orientation sexuelle, possède un cadre législatif montré en exemple. Ceci dit, la loi évolue souvent plus vite que les mentalités.

Chez nous, l’homophobie, c’est devoir subir des “blagues discriminantes” au boulot ou à l’école ; c’est se voir refuser un emploi ou une promotion au profit d’un autre candidat ; c’est s’entendre dire que l’appartement vient d’être loué et constater qu’un autre couple ressort un contrat de bail à la main 1 heure plus tard ; c’est être condamné au silence ou subir l’exclusion du groupe dans un club sportif, c’est parfois, être chassé du domicile pour avoir dit la vérité aux parents ou, lors du décès du partenaire ; c’est subir des insultes, des crachats ou des coups dans la rue ; c’est, enfin, et nous pensions ne jamais devoir en être les témoins, subir un déchainement de violence sans limite et perdre la vie. Les exemples sont multiples et nombreux, à un point tel que bien souvent, pour réduire leur exposition aux attaques homophobes de toutes natures, nombreux sont ceux qui s’autocensurent n’osant plus, en public, le moindre geste qui pourrait les “trahir”.
Il reste donc encore et toujours à demeurer vigilants et à dénoncer les faits, à chaque fois, afin que ce soient les auteurs de tels comportements qui se sentent mal à l’aise et que la vie en société soit plus agréable pour toutes et tous.

Je voudrais à présent paraphraser Martin Niemöller, pasteur allemand.

Quand on s’en prend aux femmes en les maltraitant, en bafouant leurs droits parce qu’elles ne se cantonnent pas au rôle qu’on leur a assigné et que je ne réagis pas parce que je suis un homme ;

Quand on s’en prend aux “étrangers” et voulant les renvoyer “chez eux” même si ils sont nés ici et que je laisse faire par ce que je suis d’ici ;

Quand on s’en prend aux handicapés sous prétexte qu’ils plombent les comptes de la sécurité sociale et que je me tais parce que je suis (encore) valide ;

Quand on s’en prend aux “gros”, aux “vieux”, aux “pauvres” parce qu’ils donnent une “mauvaise image” du groupe et que je détourne les yeux parce que pense valoir mieux ;

Quand on s’en prend aux juifs ou aux musulmans parce qu’ils viennent nous “envahir” et “corrompre notre civilisation” et qu’une fois de plus je fais la sourde oreille ;

Quand toutes ces attaques se répètent jour après jour, sous les formes les plus diverses, allant de la “simple plaisanterie” à la violence physique et que cela me laisse indifférent …

… alors, quand on s’en prendra à moi ou à un de mes proches parce que mon orientation sexuelle ne correspond pas à ce que mon agresseur considère comme normal, je me retrouverai bien seul et il n’y aura autour de moi plus personne pour me soutenir.

Ne l’oublions pas, à chaque fois qu’on s’oppose à une discrimination homophobe, c’est l’entièreté de la société que l’on protège de la discrimination. Liège est une ville ouverte, accueillante pour toutes et tous quelles que soient les différences qu’elles et ils amènent dans leurs bagages. Ville carrefour au centre d’un nœud routier et fluvial et au cœur de l’eurégio, elle s’enrichit sans cesse, et chacun avec elle, des nombreux échanges et des apports de chacun. Cité ardente de par sa propension à saisir chaque prétexte pour faire la fête, elle refuse de voir son ciel s’assombrir par des actes inacceptables, de renoncer à ses traditions sous la pression d’évènements aussi tragiques que la disparition d’un des siens.

Depuis le 1er mai, jour de l’annonce de son décès, nous sommes tous en deuil, car un des membres de notre communauté n’est plus. Par communauté, j’entends l’ensemble de la population liégeoise et, au-delà, belge. Comme le disait Thierry Delaval, de Arc-en-ciel Wallonie, en tuant Ihsane, c’est un peu de notre humanité que l’on a tué.

Hugues Hospital, administrateur
(texte lu le 17 mai, lors du rassemblement place St Lambert)