Édito | Mars 2010

La gay Pride, la Gay Street, les Semaines Arc-en-Ciel et la liberté avec laquelle nous pouvons aujourd’hui vivre notre sexualité ne doivent pas nous faire oublier que les minorités sexuelles sont encore opprimées dans un grand nombre de pays. En effet, environ 80 pays considèrent toujours l’homosexualité comme un acte répréhensible ; une dizaine de ceux-ci prévoient la peine de mort et bien peu possèdent des lois réprimant l’homophobie. Le documentaire « Quand les amours prennent des couleurs » présenté le 18 mars lors du « Bar à Images » en est un exemple particulièrement parlant et touchant.

Il existe de nombreux lieux à travers le monde où les homosexuels peuvent vivre au grand jour. Dans beaucoup d’autres, par contre, ils sont contraints de vivre dans la discrétion ou le mensonge sous peine de tomber sous le coup de la loi ou d’être victimes d’agressions résultant de préjugés homophobes.

L’avènement des grandes religions, le christianisme et l’islam, a contribué à faire des comportements homosexuels un acte considéré comme déviant donc répréhensible. Depuis trente ans, toutefois, l’apparition et le développement de mouvements activistes gays et lesbiens ont profondément modifié le regard porté sur l’homosexualité. Il reste que, pour bon nombre de cultures, l’homosexualité est toujours considérée comme une pathologie et nombreux sont les pays qui n’ont pas suivi l’Organisation Mondiale de la Santé lorsque cette dernière a déclassifié l’homosexualité comme maladie mentale.

Je vous propose de faire un tour du monde et un état des lieux d’une planète pas si gaie que cela.

Sévèrement réprimée à Cuba, au Nicaragua ou en Guyane, l’homosexualité n’est toutefois pas l’objet d’une discrimination légale dans la grande majorité des pays d’Amérique latine. Seules quelques grandes villes comme Mexico City et Buenos Aires, de même que certaines villes brésiliennes, ont voté des lois interdisant la discrimination à l’égard des minorités sexuelles. Ce qui n’empêche pas la police d’effectuer des descentes régulières dans les bars gais…

L’Afrique est probablement le continent le plus complexe. D’une part, certains pays appliquent la charia (le Soudan et la Mauritanie, entre autres); d’autre part, l’Afrique du Sud est depuis 1995 le premier pays au monde à avoir inscrit dans sa constitution la protection des minorités sexuelles. Mais, d’une manière générale, la répression est de mise, surtout dans les états ayant hérité d’un système judiciaire d’inspiration anglo-saxonne ou ceux qui appliquent la loi islamique. Les peines prisons sont d’ailleurs parfois très lourdes.

En ce qui concerne l’Asie, il est très difficile d’obtenir des informations fiables, notamment sur la vaste Chine où, légalement, les homosexuels ne sont pas sujets à poursuite mais où l’on sait bien que toute forme de dissidence est rapidement mise au pas. Le Japon, les Philippines et la Thaïlande sont relativement cléments. L’Inde, quant à elle, reste piégée par des lois héritées de l’Empire britannique et les préjugés religieux et sociaux. Il convient par ailleurs de distinguer la situation générale avec celle de grandes villes occidentalisées comme Bombay ou des lieux de villégiature comme Goa, où les gays ne sont pas importunés. L’Australie et la Nouvelle Zélande, par contre, font figure d’exemple en Océanie.

Aux Etats-Unis, quelques états américains condamnent les discriminations liées à l’orientation sexuelle, mais une dizaine d’autres –Caroline du Nord et du Sud, Floride, Alabama, Mississipi, Louisiane, Arizona, Idaho, Michigan et Minnesota-condamnent la sodomie quel que soit le sexe des deux partenaires, d’ailleurs. De plus, cinq états condamnent encore la sodomie entre partenaires masculins : le Texas, l’Oklahoma, l’Arkansas, le Missouri et le Kansas. Ainsi, la situation diffère beaucoup que l’on soit dans le Bible Belt ou dans les tolérantes mégalopoles de la côte Est et de la Californie.

L’une des conditions posées aux anciennes démocraties populaires pour intégrer les institutions européennes comme le conseil de l’Europe était l’abolition de toutes les législations discriminatoires à l’encontre des minorités sexuelles. Aussi, la situation de la quarantaine d’états européens est-elle, au moins au plan légal, sensiblement uniforme. Champions de la tolérance, les pays scandinaves et les Pays-Bas ont été les premiers à voter des lois punissant l’homophobie et légalisant l’union homosexuelle. Toutefois, des différences persistent, même au sein de l’Union Européenne, à propos de l’âge de consentement légal. Il est bon de noter que le Liechtenstein restreint, encore aujourd’hui, la liberté d’expression des gays et des lesbiennes. L’Albanie, la Bosnie et la Turquie exercent des violences policières et la Tchétchénie musulmane, elle, a rétabli la charia.

Enfin, le Proche et Moyen –Orient reste certainement la région du globe la moins tolérante en matière d’homosexualité. L’application stricte de la loi islamique, la charia, est à l’origine des répressions dont sont victimes les homosexuel(le)s. Les condamnations vont de la flagellation à de lourdes peines de prison. Parmi les cinq pays de la région qui appliquent scrupuleusement la charia en punissant de mort les relations homosexuelles, trois (l’Afghanistan, l’Iran et l’Arabie Saoudite) l’auraient, selon Amnistie Internationale, appliquée durant les dix dernières années. (source : Fugues 25 ans, Yves Lafontaine)

Jean-François Pondant, Président.