Édito | Janvier 1991

Il est six heures à peine et voilà déjà qu’il me réveille. Commençant par mes jambes, il me caresse… Lentement… Tendrement… Il infuse en moi cette chaleur que la nuit m’a enlevée. Doucement, il remonte centimètre par centimètre et bientôt c’est tout mon corps qui est baigné par ce soleil estival. Et je reste là, alangui, plongé dans ce demi sommeil mon corps nu offert à la lumière. Jouissif, orgasmique, c’est le réveil des sens qui s’opère. L’irrésistible appel de la vie qui coule en moi. La vie trépidante, la vie qui m’anime, celle qui transforme ce tas de chair en ce que je suis.

Déjà, les premiers émois de ma naissance matinale sont loin. Mon amant de tous les jours se fait envahissant. Je le fuis, je me cache, mais partout il s’impose. Lumière éblouissante, couleurs chatoyantes, c’est pour moi qu’il déploie toute son ardeur… Pour moi… Non… Egoïste sentiment, pensée pathétique de l’amant comblé ! Trop grand, trop puissant, il est à tous… Je le partage ! Jaloux, jaloux, je reste là et sans attendre je m’offre à lui. Entièrement, aveuglément. Sa caresse s’est faite étreinte. Il n’est que force et je ne suis que soumission. A peine je veux lui résister que déjà il me vainc. Mon corps n’est que chaleur. Mon corps n’est que sueur. La vie déborde. La vie me brûle. Il me donne sans compter et je prends sans donner.

Pourtant mon amant, mon roi fatigue. Il se retire. L’étreinte redevient caresse. Une autre, moins naïve. C’est la caresse de l’amant qui sait. La caresse de l’amant qui a connu et qui a possédé. Douce, mais ferme. Ce n’est plus du bout des doigts qu’elle s’opère, mais de tout son corps. Je le sens allongé contre moi. Il a abandonné le combat non sans m’avoir vaincu. Je reste là, la torpeur m’a envahi. Mon cœur se calme. Mon corps se calme. Lentement, de brûlante, la chaleur devient réconfortante. C’est avec élégance que celui qui m’a aimé m’abandonne.

Seul, je reste là. Il a disparu. Et pourtant, je peux encore le sentir. Je m’appuie contre le mur de pierres et je sens sa présence. Encore un peu. Je le veux encore un peu. Je ne veux plus partager. Je le veux à moi. Je hais cette pierre qui m’a pris sa chaleur. Je la veux… Je la prends. Mais mon corps gourmand et insatiable, est las. Ma peau porte les stigmates d’une journée d’amour. A mon tour j’abandonne. Je me laisse allez dans la nuit. Je ne peux retenir cette envie irrésistible, impossible de ressentir à nouveau la douceur de ce réveil… La chaleur de cette vie.